Les investigations concernant le djihadiste Sabri Essid se poursuivront désormais dans le cadre d’une information judiciaire.
Par Ronan Tésorière avec AFP
C’est une première. Le parquet national antiterroriste (PNAT) a chargé des juges d’instruction d’enquêter sur des soupçons de crimes contre l’humanité commis par un djihadiste français, Sabri Essid, une figure de la mouvance toulousaine accusée d’exactions contre les Yézidis, selon nos informations.
« Le pôle crime contre l’humanité, crimes et délits de guerre du Parquet national anti-terroriste a ouvert ce jour une information judiciaire contre un ressortissant français ayant rejoint les rangs de Daech », a déclaré le parquet dans un communiqué pour « le chef de génocide (atteintes graves à l’intégrité physique et psychique) et crimes contre l’humanité (réduction en esclavage, emprisonnement ou toute autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international, torture, viol, persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste), commis en Syrie entre août 2014 et courant 2016, à l’encontre de victimes yézidies », précise le texte du PNAT.
Ce Toulousain né en 1984, fils d’un compagnon de la mère de Mohamed Merah, est toutefois présumé mort depuis plus d’un an et demi, indiquait une source proche du dossier début 2018. Un magazine non-officiel de l’organisation État islamique (EI) avait aussi annoncé la mort de ce « demi-frère » de l’auteur des tueries de mars 2012 dans la région toulousaine.
Jusqu’à présent, les djihadistes français faisaient uniquement l’objet de poursuites pour des infractions à caractère terroriste. Des associations, dont la FIDH, réclamaient un élargissement aux soupçons de crimes contre l’humanité. Des juges d’instruction du pôle spécialisé « Crimes contre l’humanité » du tribunal de Paris vont désormais poursuivre les investigations. Faute de preuve de la mort d’Essid, un procès pourrait tout de même avoir lieu, offrant à des victimes yézidies la possibilité de se porter partie civile.
« C’est une avancée significative et inattendue », s’est félicité Me Patrick Baudouin, président d’honneur de la FIDH. « La qualification de crimes contre l’humanité va permettre de recueillir plus de témoignages de victimes, également d’élargir et d’approfondir les enquêtes, en remontant les chaînes de commandement », a-t-il expliqué. « Cela a aussi une vertu pédagogique pour l’opinion publique, compte tenu de l’ampleur de ces crimes qui ont été planifiés à grande échelle ».
En août 2014, des djihadistes de l’EI avaient envahi le mont Sinjar, fief de cette minorité religieuse kurdophone dans le nord de l’Irak, tuant des milliers d’entre eux et enlevant des milliers de femmes et d’adolescentes pour les réduire à l’état d’esclaves sexuelles. Au printemps 2014, Essid était parti rejoindre l’EI en Syrie. Il avait été reconnu en mars 2015 sur une vidéo diffusée par l’EI, où on le voit en compagnie de son beau-fils, âgé d’une douzaine d’années, qui exécute d’une balle dans le front un Palestinien présenté comme un espion.
Sabri Essid avait précédemment été intercepté en 2006 par l’armée syrienne avec une autre figure du djihadisme français issu de la filière du Sud-Ouest, Thomas Barnouin, alors qu’ils se rendaient en Irak pour prendre part au djihad contre la coalition internationale. Remis à la France, ils avaient été condamnés en 2009 à cinq ans de prison, aux côtés d’autres figures de la filière toulousaine repartis pour le djihad à leur sortie de prison, notamment les frères Clain, voix de la revendication des attentats du 13-Novembre et eux aussi présumés morts.
Le 25 octobre 2019 à 23h03
Le « demi-frère » de Mohamed Merah
« Une avancée significative et inattendue »
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