Tunisie: l’immigration clandestine en hausse, la décennie d’Ennahda pèse encore sur le pays

Oct 20, 2022 | Études, Les rapports, Migration

CFRP – La Tunisie connait une augmentation significative de l’immigration clandestine vers l’Europe. Cette hausse s’explique notamment par la détérioration de la situation socioéconomique dans le pays.

Dans certaines régions, chaque famille compte au moins une personne qui tente de rejoindre clandestinement l’Europe à bord d’embarcations illégales. Les migrants sont exposés au risque de noyade en Méditerranée, à l’image du drame qui s’est produit sur la côte de Tartous, en Syrie, jeudi 13 octobre matin où des dizaines de personnes sont mortes. La ville de Zarzis, au sud-est de la Tunisie, connaît un état de colère où des manifestations ont été organisées, suite à une nouvelle selon laquelle les autorités auraient inhumé les corps nombre de migrants de la ville dans un cimetière réservé aux inconnus, et ce, après le naufrage de leur embarcation.
Statistiques choquantes

La disparition des migrants qui étaient à bord de l’embarcation de Zarzis n’est pas un incident isolé. Les autorités tunisiennes interpellent presque quotidiennement des dizaines d’embarcations transportant des femmes, des enfants et des jeunes qui risquent leur vie pour rejoindre l’autre rive.

En effet, les autorités sont préoccupées par l’intérêt croissant des citoyens, hommes et femmes, pour l’immigration clandestine d’autant plus que le pays traverse une situation économique très difficile où certains produits de base sont introuvables, outre la pénurie du carburant.

Le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (une ONG) avait révélé que le nombre des migrants clandestins tunisiens qui rejoignent les côtes italiennes est passé à 3 730 personnes durant la période allant du 15 août au début de septembre. Le nombre des migrants clandestins arrivés en Italie en juillet et août derniers s’élève à 7 745 personnes alors que 8 939 autres ont été empêchées et 49 autres portées disparues. Le nombre de mineurs s’élève à 1 775, selon le Forum.

Les statistiques de 2021 font état de l’arrivée de 8 079 personnes et de l’interpellation de 8 575 autres. Le nombre de mineurs était de 1 307 tandis que celui des disparus s’élève à 134 personnes.

Le porte-parole du Forum tunisien des droits économiques et sociaux, chargé du dossier de la migration, Ramadan Ben Omar, a qualifié ces chiffres d’alarmants et choquants, exhortant les pouvoirs publics à œuvrer à faciliter l’immigration légale pour préserver la vie des citoyens de tous les risques liés à l’immigration clandestine.

Dans le même sens, des rapports gouvernementaux font état de 1 509 tentatives d’immigration clandestines vers l’Italie ont été déjouées au cours des 8 premiers mois de 2022. Entre 70 et 80 nationalités étrangères entrent clandestinement dans le pays étant donné que la Tunisie est un pays de transit, précise le ministère tunisien de l’Intérieur.

Les opposants du président tunisien Kaïs Said et ceux qui ont rejeté le processus du 25 juillet ont tenté de le tenir pour responsable, arguant que les taux d’immigration illégale élevés dénotent de l’échec du président.

Dans une tentative d’attirer l’opinion publique, le dirigeant au mouvement d’Ennahda, Rafiq Abdel Salam, a écrit sur son compte Facebook : « Les citoyens de Zarzis noyés ont été enterrés dans des cimetières secrets et avec des noms inconnus dans l’obscurité », ajoutant : « Ces victimes n’ont-elles pas des familles endeuillées ? ». « Qu’est-ce qui pousse les autorités à ne pas être honnêtes avec les familles et à identifier les corps des victimes avant de les enterrer dans le cimetière des « inconnus » ? Pourquoi cette énorme tromperie et cet acte immoral dans le traitement des citoyens vivants et des morts ? ».

Cependant, des observateurs ont accusé le mouvement Ennahda de manipulation, estimant que la situation économique en Tunisie aujourd’hui est le résultat d’une « décennie noire » de règne des « Frères musulmans » qui ont détruit l’économie tunisienne. Dans ce sens, l’écrivain politique tunisien, Adel Al-Rini a estimé que le mouvement Ennahda avait prouvé son échec à tous les niveaux et qu’il tente aujourd’hui de se désavouer de ces politiques défaillantes, soulignant que la Tunisie vivait les dix pires années de son histoire moderne.

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