De nombreuses voix ont salué l’annonce du président américain Donald Trump de lever les sanctions américaines contre la Syrie, faite lors de sa visite en Arabie saoudite le 13 mai 2025, en réponse à une demande du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane.
Cette décision est perçue comme une première étape vers la reconstruction de l’économie syrienne dévastée, bien que certains restent prudemment optimistes, étant donné que les modalités de mise en œuvre demeurent floues.
L’Union européenne et le Royaume-Uni avaient déjà levé certaines de leurs sanctions. Mais si Washington décide désormais de lever l’ensemble de ses sanctions, cela pourrait ouvrir la voie à d’autres pays pour en faire autant.
Les États-Unis avaient imposé trois régimes de sanctions distincts contre la Syrie.
• En 1979, le pays a été désigné « État soutenant le terrorisme » en raison de l’implication de son armée dans la guerre civile libanaise, de son soutien à des groupes armés et de ses liens étroits avec le Hezbollah.
• En 2003, le président George W. Bush a promulgué le Syrian Accountability Act, un texte axé sur le soutien présumé de la Syrie à des groupes terroristes, sa présence militaire au Liban, le développement supposé d’armes de destruction massive, ainsi que le trafic de pétrole et l’appui à des groupes armés en Irak après l’invasion américaine.
• Enfin, en 2019, lors de son premier mandat, Trump a signé la loi César, qui impose des sanctions aux forces syriennes et à toute personne impliquée dans les violations des droits humains ayant entaché la révolution syrienne.
La Syrie a été fortement affectée par ces sanctions, qui ont provoqué des pénuries de biens essentiels, allant des carburants aux médicaments. Les entreprises à travers le monde ont rencontré des difficultés à exporter vers la Syrie, et presque toutes les transactions financières avec le pays ont été interdites, favorisant ainsi la prolifération du marché noir pour les marchandises de contrebande. De nombreux sites internet ont même bloqué les utilisateurs disposant d’adresses IP syriennes, les forçant à recourir à des proxys.
Un rapport publié par les Nations unies en février 2025 indique que trois Syriens sur quatre dépendent de l’aide humanitaire, tandis que le taux de pauvreté a triplé, touchant 90 % de la population, et que la pauvreté extrême a été multipliée par six, atteignant 66 %.
Selon la Banque mondiale, l’effondrement des revenus issus du pétrole et du tourisme a fait chuter les exportations syriennes de 18,4 milliards de dollars en 2010 à 1,8 milliard en 2021. Des rapports évoquent que ces pressions économiques ont contribué à l’essor du commerce du Captagon, et la Banque mondiale a estimé l’an dernier que la valeur marchande de cette drogue produite en Syrie pouvait atteindre 5,6 milliards de dollars.
Toujours selon la Banque mondiale, la taille de l’économie syrienne est estimée à environ 21 milliards de dollars, soit un niveau comparable à celui de l’Albanie ou de l’Arménie, bien que ces deux pays comptent plus de 20 millions d’habitants de moins que la Syrie. L’économie syrienne aurait ainsi perdu plus de la moitié de sa taille entre 2010 et 2022.
En 2018, la Syrie a été reclassée parmi les pays à faible revenu, et aujourd’hui, plus de 90 % de ses quelque 25 millions d’habitants vivent sous le seuil de pauvreté, selon les agences des Nations unies. À la mi-mai 2025, le taux de change officiel était de 11 065 livres syriennes pour un dollar, contre environ 22 000 livres sur le marché noir au moment de la chute de Bachar al-Assad l’année dernière, et 47 livres en mars 2011, au début de la guerre.
La dette extérieure de la Syrie s’élèverait à environ 23 milliards de dollars, principalement sous forme de prêts bilatéraux. Toutefois, le chiffre réel pourrait être bien plus élevé, car Damas pourrait faire face à des réclamations de l’Iran et de la Russie pour un montant estimé entre 30 et 50 milliards de dollars.
À la suite de l’annonce de Donald Trump, la livre syrienne a connu une hausse de 60 % de sa valeur. Si les États-Unis vont de l’avant dans la levée de leurs sanctions, les institutions financières et économiques syriennes en ressentiront un grand soulagement, même si des résultats concrets sur l’économie ne seront visibles qu’à moyen terme. Toutefois, la levée des sanctions américaines pourrait profondément transformer la vie des Syriens.
Il est prévu que les banques syriennes réintègrent le système financier international, et une monnaie syrienne libérée de toute sanction pourrait avoir un avenir plus prometteur. Le pays pourra également accéder à des aides économiques et à des lignes de crédit émanant d’organismes internationaux et de pays étrangers.
Si l’économie s’améliore grâce à des injections de capitaux en provenance d’Arabie saoudite et du Qatar, et que les projets de reconstruction sont lancés, de nombreux réfugiés syriens, aujourd’hui contraints de vivre dans des camps surpeuplés et dépendants de l’aide humanitaire, pourraient envisager un retour au pays.
Par ailleurs, le secteur pétrolier pourrait connaître un regain d’activité, et les entreprises étrangères pourraient commencer à investir en Syrie, notamment dans l’agriculture, les télécommunications et la construction. Le pays pourrait aussi recommencer à importer des produits alimentaires, technologiques ou industriels à des prix plus abordables, ce qui contribuerait à stabiliser l’économie et à réduire l’inflation.
Cela serait crucial, surtout après que la production agricole ait chuté à des niveaux sans précédent en 2021 et 2022, avec une production de blé tombée à un quart des 4 millions de tonnes produites annuellement avant la guerre.
La levée des sanctions permettra également le déblocage des avoirs de la Banque centrale syrienne ainsi que des fonds gelés à l’étranger, ouvrant la voie à une réforme en profondeur du secteur bancaire, notamment via la réactivation du système international de transferts SWIFT, ce qui facilitera les exportations et fera baisser les prix des produits importés.