Les scénarios possibles après la chute de Kaboul… et le retour des talibans

Août 29, 2021 | Terrorisme, Terrorisme et extrémisme

Bien que de nombreuses parties internationales s’attendaient à la chute du gouvernement afghan, qui souffrait de nombreux problèmes non résolus, tels que la corruption, le paiement irrégulier des salaires des soldats et la désertion de soldats de l’armée,l’effondrement rapide de ces forces et la prise de contrôle des talibans sur la capitale, Kaboul, ont étonné le monde entier, d’autant plus que les talibans vont devenir la principale force politique en Afghanistan, ce qui change le paysage géopolitique dans la région. Cela aura des effets considérables sur les équilibres régionaux, et les pays seront obligés de faire face à cette nouvelle situation, qu’elle soit souhaitable ou non.

I : Le scénario du retour du terrorisme

Malgré la corruption et la tyrannie du régime afghan, l’alternative est un régime plus tyrannique et terriblement extrémiste. Les talibans, même si leur discours était apaisé et moins extrémiste, demeurent toujours hostiles à l’Occident et aux États-Unis. Ils continueront d’opprimer le peuple afghan et constituent une menace pour ses voisins et pour d’autres pays.

Talibans

L’inquiétude règne dans de nombreux pays, notamment les pays européens, du retour des groupes armés comme auparavant. L’arrivée au pouvoir des talibans se veut un nouveau souffle pour le moral des organisations armées djihadistes dans différentes régions du monde, en particulier au Moyen-Orient, qui ont perdu leur esprit de combat après la défaite de Daech.

Pour Merwan Kabalan, spécialistes aux mouvements islamistes, il est probable qu’un nouvel essor se produise dans l’activité du djihadisme mondial après l’échec des Américains en Afghanistan, un essor qui serait pas moins que celui survenu après la défaite des Soviétiques et de leur retrait il y a trois décennies.

Cela pourrait donner une forte impulsion morale à toute la région, comme ce qui s’est passé avec la Révolution islamique en Iran en 1979, qui « a encouragé l’émergence de signes de courants adoptant l’approche de la révolution islamique dans plus d’un pays arabe et musulman.»

Il pourrait « raviver l’esprit de défi et de fermeté chez les musulmans ouïghours de Chine, et raviver l’esprit de djihad chez les musulmans de Tchétchénie, qui rêvent encore d’indépendance de la Russie. On s’attend également à ce que la victoire des talibans ravive un nouveau dynamisme dans courants de l’islam cinétique, notamment salafiste… « Cela place la région au bord d’un avenir incertain dans lequel la lutte s’intensifiera entre les idéologies fondamentalistes extrémistes qui cherchent à asseoir et imposer leurs perceptions qui voient le mouvement taliban, après sa brillante victoire, comme leur modèle suprême.»

Facture de la guerre en afghanistan

Le mouvement des talibans n’est pas une organisation politique et idéologique qui suit l’islam comme méthode de gouvernance, mais c’est une organisation arriviste qui instrumentalise la religion au service d’intérêts factionnels et partisans.

Ce n’est pas une organisation démocratique, et l’émir est obéi dans ce système, et l’approche de loyauté et de désaveu est suivie là où aucune opposition n’est acceptée. Le contrôle de l’Afghanistan par les talibans se faisait par la force et les armes, et n’était pas un choix populaire pour tous les Afghans.

Le président français Macron a averti que « l’Afghanistan ne doit plus jamais redevenir un bastion du terrorisme ». Cela conduira à un nouveau retour du terrorisme qui menace l’Europe, et ouvre à nouveau le dossier du retour du flux de réfugiés, et l’Europe ne dispose pas d’outils suffisants pour influencer les talibans, notamment après le départ des Etats-Unis, et donc , elle cherchera à gérer ce dossier en coopération avec la Turquie, en fournissant un plan d’aide, visant à accueillir les réfugiés à l’intérieur de ses frontières et à les empêcher de se déplacer vers les pays européens.

II- Le scénario de l’endiguement et de la domestication

Même après l’arrivée effective des talibans au pouvoir, de nombreux pays sont encore indécis quant à la forme de leurs relations avec les talibans, d’autant plus que certains de ces pays auront un impact significatif sur la forme des dons à l’Afghanistan. Des sanctions sévères voire de nouvelles conditions peuvent être imposées sur l’aide nécessaire pour reconstruire ce pays dévasté par la guerre.

Certains pays, comme la Chine, ont commencé à exprimer leur volonté d’établir des « relations amicales » avec les talibans, car ces relations éviteraient à leur pays la propagation d’une nouvelle vague de terrorisme. Une délégation des talibans s’est rendue en Chine le 28 juillet, où la délégation a assuré à Pékin que l’Afghanistan ne serait pas une base pour lancer des attaques contre la Chine, car la frontière commune s’étend sur 76 kilomètres sous forme de hautes collines sans aucun passage frontalier.

La source de l’inquiétude de Pékin réside dans l’étendue de la frontière le long de la région à majorité musulmane du Xinjiang. En effet, la Chine craint que les Ouïghours utilisent l’Afghanistan comme rampe de lancement d’attaques. Les autorités chinoises, à leur tour, ont juré de ne pas s’ingérer dans les affaires afghanes.

Les relations entre la Russie et les talibans, qui ont été historiquement entachées de nombreux conflits et troubles, ont commencé après l’occupation de l’Afghanistan par les États-Unis à changer pour devenir plus pragmatiques. Cet avantage s’est clairement traduit, après l‘arrivée des talibans à Kaboul, où l’ambassadeur de Russie, DimitriyZhirnov, a salué le comportement du mouvement. Le diplomate a déclaré que la situation là-bas sous les talibans est meilleure qu’elle était sous (le président) Achraf, ce qui reflète les efforts de la Russie pour approfondir ses relations de longue date avec les talibans et de les reconnaître comme dirigeant légitime d’un État qu’elle a essayé et échoué à contrôler.

Quant à l’Union européenne, elle est encore indécise sur le dossier, mais ses orientations sont traduites dans le discours du ministre des Affaires étrangères de l’Union européenne, Josep Borrell qui a reconnait que les talibans avaient gagné la guerre en Afghanistan. « Alors, il faut leur parler », a-t-il dit.

Mais tout cela demeure tributaire de la possibilité de mettre en œuvre les conditions posées par les pays européens pour coopérer avec les talibans :

Permettre aux citoyens afghans de voyager librement
Garantir la liberté des femmes,
Former un gouvernement de transition 
Assurer la protection des étrangers
Lutter contre le terrorisme  
Empêcher les organisations terroristes d’exister sur le sol afghan.

Les talibans peuvent répondre positivement aux conditions suscitées, en s’appuyant sur le constat qui consiste que les talibans ont fait preuve de beaucoup de flexibilité au cours des derniers jours. Il est clair que l’Europe et d’autres pays ont rapidement commencé à chercher la possibilité d’assimiler et de comprendre l’évolution de la situation en Afghanistan, après que le mouvement s’est imposé à tous.

III- Le scénario d’apaisement et de l’intégration internationale

Il semble que les nouveaux talibans soient différents de ceux d’avant 2001, puisqu’ils ont commencé leur règne par une conférence de presse au cours de laquelle ils ont envoyé un message aux pays voisins et au monde, dans lequel ils ont dit : « Nous ne voulons pas répéter la guerre et les combats, et nous ne voulons pas d’hostilités, ni à l’intérieur ni à l’extérieur. Nous assurons le monde entier et les États-Unis que l’Afghanistan ne sera pas une source d’actes terroristes ».

Les talibans ont également annoncé une amnistie générale pour tous les militaires qui étaient sous le régime précédent, et les ont rassurés sur leur sort.

En effet, les talibans sont confrontés à de vrais grands défis, tels que le dilemme de fournir les fonds nécessaires pour répondre aux besoins de quarante millions d’Afghans et de gérer l’État et faire circuler les ressources. Ils n’ont pas encore déterminé la forme du nouveau système politique qui gouvernera l’Afghanistan, qu’il s’agisse de la loi islamique, d’une république ou d’une démocratie et d’un conseil et de représentants de la choura… etc.

Ils ont  besoin d’un appareil bureaucratique civil et d’experts dans la plupart des secteurs. Le mouvement est soudainement passé des tranchées à l’État, et il n’a pas les compétences nécessaires pour faire face à de telles responsabilités.

Le scénario le plus probable est que le mouvement réduira son extrémisme vers un partenariat avec différentes catégories de la société et les opposants, afin de gérer le nouvel État, en particulier à la lumière de la nouvelle donne et de son nouveau discours, car le monde ne restera pas silencieux sur de nouvelles menaces pour le monde émanant du mouvement taliban.

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