Relations algéro-françaises: Scénarios possibles sur fond des déclarations de Macron

Oct 22, 2021 | Afrique, Études, France

Le journal Le Monde a rapporté les déclarations de Macron lors de la réception récemment des petits-enfants de plusieurs personnalités ayant joué un rôle dans la guerre d’indépendance de l’Algérie. Macron a remis en cause l’existence d’une nation algérienne avant la colonisation française du pays en 1830. «Existait-il une nation algérienne avant la colonisation française ? », a-t-il dit.

Le journal a cité les propos de Macron qui déclarait que «le discours « officiel » algérien se construisait sur « une haine de la France » et que « le système politico-militaire » au pouvoir entretenait la rente mémorielle.

Ces déclarations ont provoqué une grande vague de tension et de ressentiment en Algérie chez les dirigeants politiques. L’Algérie a rappelé son ambassadeur à Paris et a annoncé la fermeture de son espace aérien aux avions militaires français.

Les relations tendues et les ressentiments cachés entre les deux pays ne sont pas un fait nouveau. Ce qui est nouveau, c’est que la tension récente a été provoquée par le chef de l’État Macron, qui avait lui-même commencé sa campagne électorale en 2017 depuis l’Algérie. A partir de là, il a déclaré que la colonisation de la France de l’Algérie était un « crime contre l’humanité ». Ainsi, les autorités officielles en Algérie ne cessaient pas d’affirmer qu’il était un ami.

Le présent article aborde les motifs de ces déclarations, ainsi que les scénarios possibles sur la nature des relations à venir entre la France et l’Algérie à la suite de ces déclarations.

Les motifs des déclarations de Macron du point de vue algérien

On ne peut négliger le contexte des déclarations faites par les responsables et représentants des pays. Souvent elles coïncident avec des événements liés à d’autres dossiers plus complexes.  Le citoyen ordinaire peut ne pas ressentir, et ne peut pas relier les événements les uns aux autres, pour arriver parfois à une conclusion sur les motifs des déclarations surprenantes.

En effet, des politologues estiment que de nombreuses interprétations tentent de lier événements et contextes à des déclarations.

Pour certains observateurs, la principale raison des déclarations du président français Emmanuel Macron sur l’Algérie réside dans la campagne électorale pour la Présidentielle prévue mai prochain. Macron ressent une faiblesse due à la hausse remarquable des cotes des rivaux de droite, dont Marine Le Pen, respectivement la candidate du Rassemblement national, et Eric Zemmour.  Ces candidats se rivalisent sur les positions les plus extrémistes vis-à-vis des questions liées aux Arabes en général, et au Maghreb en particulier. Ils mettent en avant les questions d’immigration, de citoyenneté, d’histoire, d’identité et de mémoire de France, y compris la relecture des dossiers du colonialisme français en Algérie.

Selon ces observateurs, la France estime qu’une partie du régime algérien a contribué à persuader la direction de l’armée, qui a renversé le régime du Mali, de faire venir les forces mercenaires russes Wagner. Du point de vue de la France, l’Algérie a pris cette mesure, estimant que la présence de Wagner au Mali allège la pression française sur l’armée algérienne, qui invoquera sa réticence à faire intervenir ces éléments militaires dans d’autres pays. En plus de cela, elle rend un service aux Russes, qui se sont dits prêts à armer davantage l’Algérie avec des facilitations financières. Sans compter que cette crise pourrait s’aggraver si l’Algérie continue de fermer son espace aérien aux avions français à destination du Mali, elle a déjà la volonté d’éloigner la France du Mali et de l’Afrique.

Il y a d’autres raisons, à savoir le fichier des immigrés algériens en situation irrégulière en France, dont le nombre dépasse les 200 000. La France a récemment proposé d’expulser plus de 8 000 immigrés algériens, qu’elle a classés comme illégaux et dangereux.

Scénarios possibles pour les relations sur fond de ces déclarations

  • Le scénario de l’escalade et la rupture des relations

Ce scénario prévoit la montée davantage de la tension entre les deux pays, qui restera dans le cadre diplomatique ou s’étendra dans une mesure limitée au volet économique, d’autant plus que les indications de l’Elysée n’augurent rien de bon que le président Macron ne réglera pas le problème avec l’Algérie à savoir la demande de Paris pardon à l’Algérie sur la période coloniale. A cet égard, le ministre algérien des Affaires étrangères Ramtane Lamamra estime que « Les crises doivent se terminer dans le respect mutuel et inconditionnel de la souveraineté et de l’indépendance, et nos partenaires en Occident doivent se libérer de leur histoire coloniale, et la logique de ce qu’ils revendiquent comme mission civilisatrice comme prétexte idéologique pour le colonialisme, qui est un crime contre l’humanité en Algérie, au Mali et dans plusieurs pays africains »

  • Le scénario d’apaisement et du rétablissement des relations

Ce scénario suppose un retour à la normale des relations, d’autant plus que Macron a affirmé plus d’une fois sa volonté de rétablir les relations et d’apaiser la tension diplomatique. « Nous espérons que nous pourrons apaiser les choses, car je pense que c’est mieux pour nous de nous parler et de progresser », a-t-il déclaré.

En outre, les déclarations ne sont pas le seul élément qui impacte la nécessité de rétablir les relations, car il existe des dossiers imbriqués plus urgents entre les deux pays, notamment : la communauté algérienne en France, qui a une importance aux élections françaises (un total de six millions d’électeurs), cela peut faire une différence dans les élections à venir si l’Algérie travaille là-dessus.

Dans le même sens, il existe des problèmes régionaux complexes liés à la sécurité et au terrorisme, à la migration et aux réfugiés en sus des dossiers économiques, surtout après le tournant historique de 2012 en l’occurrence la déclaration d’amitié et de coopération signée par les deux chefs d’État.

Les investissements français directs en Algérie s’élevaient à 2,5 milliards de dollars jusqu’à fin 2017, ce qui signifie qu’il n’est pas facile pour la France de perdre ses investissements en Algérie, qui est le deuxième partenaire de l’Algérie, exportant plus de 6 milliards de dollars vers l’Algérie, en plus des centaines de Français qui travaillent en Algérie dans le secteur des Hydrocarbures, sans oublier les efforts de la France pour décrocher les plus gros contrats  pétroliers du pays.

  • Scénario du coup de l’éventail et de l’apathie des relations

Ce scénario est probablement dû à la nature des crises et à la divergence entre les deux pays, d’autant plus que la crise est enracinée dans des dossiers plus complexes que l’Algérie a demandé la résolution, notamment la restitution des archives, la reconnaissance par la France des événements sanglants et des excuses officielles pour ses crimes, la réparation des dommages par l’indemnisation des victimes des essais nucléaires, et la récupération des crânes des leaders des révolutions populaires. Ce sont des dossiers pour les Algériens qui sont encore loin des tentatives de la France pour les restaurer.

D’autant plus qu’il y a des événements indiquant que chaque fois que les relations reviennent à un état d’apaisement, elles ne restent que temporairement avant de connaitre un nouveau revers .Par exemple, en février 2005, une loi votée par le Parlement français reconnaissant le « rôle positif de colonialisme. » Même si elle a été abrogée par la suite, elle a invalidé le traité d’amitié entre les deux pays. En mai 2020, les relations ont connu une nouvelle vague de tension, où l’Algérie a convoqué avec colère son ambassadeur en France, à la suite de la diffusion d’un film documentaire sur le Hirak sur deux chaînes officielles françaises. Puis les récentes déclarations de Macron qui ont aggravé la crise.

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