Rapatriement des combattants étrangers de Daech par l’UE: entre devoir humanitaire et droit à la vigilance

Mai 31, 2022 | Les rapports, Terrorisme, Terrorisme et extrémisme

Le phénomène du retour des combattants étrangers européens venus des zones de conflit pose un dilemme sécuritaire et politique notamment au niveau européen dans la lutte contre le terrorisme. L’Union européenne (UE) et les pays européens ont mis en place de nombreuses dispositions et mesures pour conter les combattants étrangers et répondre à la menace terroriste qu’ils représentent. Les pays européens sont confrontés au défi de rapatrier leurs combattants étrangers et leurs familles. Les pays européens n’étaient souvent disposés à rapatrier que les orphelins au cas par cas.

Poursuites à l’encontre des personnes rapatriées au Danemark

Les autorités danoises ont commencé à planifier le rapatriement de (5) enfants danois de combattants de Daech dans le camp Roj sans évacuer leurs mères. La décision intervient suite à un nouveau rapport médical faisant état de la souffrance de nombreux enfants. Le rapport a appelé le Parti populaire socialiste et la gauche radicale à faire pression sur le gouvernement pour rapatrier les enfants au Danemark. Cependant, en raison de l’implication des mères dans Daech, le Parti social-démocrate a décidé de les empêcher de revenir. Les mères qui reviennent au Danemark seront poursuivies et emprisonnées pour leur affiliation à Daech, mais également séparées de leurs enfants, selon «EURACTIV» le 11 avril 2022.

Pression pour rapatrier les enfants des éléments français de Daech

Contrairement à ses voisins européens, dont l’Allemagne qui a rapatrié «une grande partie» des enfants, Paris maintient une politique de retours au compte-gouttes. A ce jour, la France a rapatrié (35) enfants dont la majorité sont orphelins. Il y a environ (80) femmes françaises qui avaient rejoint Daech, et (200) enfants, qui sont parmi les détenus dans les camps tenus par les Kurdes dans le nord-est de la Syrie.

Des parlementaires, des ONG et le Comité consultatif national des droits de l’homme exercent toujours des pressions sur les autorités françaises pour qu’elles rapatrient les enfants détenus de Daech, rapporte « Monte Carlo » le 15 février 2022. Un rassemblement de familles et de proches de terroristes français a appelé le président français « Emmanuel Macron » à rapatrier les enfants « détenus en Syrie » durant son second mandat, selon « swissinfo » le 27 avril 2022.

La Grande-Bretagne accueille les enfants des membres de Daech

L’Administration autonome des Forces démocratiques syriennes (SDF) a remis à une délégation britannique deux enfants parmi les proches des membres de Daech après une réunion avec les Britanniques, le vice-consul à Erbil, Jimmy Hamill, , a rapporté Al-Araby Al-Jadeed, le 6 avril 2022. Le vice-coprésident du département des relations extérieures de l’Administration autonome, Abeer Elia, a révélé que le dossier des enfants et des femmes des membres de Daech a été discuté avec les délégations en visite dans la région pour le dissoudre complètement, et qu’ils continueront à le faire jusqu’à ce que le dernier membre des familles de Daech soit expulsé vers leur pays d’origine, en vue de leur intégration dans leur communauté.

Arrestation de femmes rapatriées de Daech en Allemagne

Le parquet fédéral en Allemagne a annoncé, Le 31 mars 2022, l’arrestation de (4) femmes allemandes qui avaient rejoint l’organisation « Daech », suite à l’opération de rapatriement au pays de (10) femmes et (27) enfants, qui étaient détenus dans un camp kurde, dans le nord-est de la Syrie. L’Allemagne a mené (5) opérations de ce type au total, ce qui a permis le rapatriement de (91) personnes, pour la plupart des enfants (69). Plusieurs mères extrémistes ont été déférées devant justice en Allemagne et certaines d’entre elles ont été condamnées.

Combattants étrangers néerlandais

Les Pays-Bas ont renvoyé (5) femmes et leurs 11 enfants du camp d’Al-Hol dans le nord-est de la Syrie le 4 février 2022, selon « ICCT ». Cette décision n’est pas une surprise car les Pays-Bas avaient déjà ramené une autre femme, Ilham B, avec ses trois enfants en juin 2021, après qu’un tribunal néerlandais a indiqué qu’il mettrait fin aux poursuites pénales contre elle pour son absence. Près de 300 personnes se sont rendues en Syrie et en Irak depuis les Pays-Bas, dont un tiers sont des femmes. La grande majorité de ces personnes ont rejoint Daech. Jusqu’à présent, 65 adultes et 30 enfants sont rentrés aux Pays-Bas, principalement seuls en 2013 et 2014. En outre, 20 adultes et 45 enfants sont retournés dans un pays tiers.

Le 13 avril 2022, le Counter Extremism Project (CEP) a publié un rapport intitulé « Combattants étrangers néerlandais : avant, pendant et après le « califat » de Daech documentant la radicalisation et le processus de recrutement des combattants néerlandais de Daech, ainsi que les rôles qu’ils ont joué dans les diverses activités de l’organisation, dont le génocide des Yézidis. Ce rapport a clairement indiqué que les citoyens néerlandais ne sont pas partis par centaines parce qu’ils ont été manipulés en ligne, mais dans la plupart des cas parce qu’ils souhaitaient vivre sous la charia de Daech. De nombreux citoyens néerlandais ont participé aux combats.

Le rapport a révélé que les combattants étrangers partant des Pays-Bas vers la Syrie étaient géographiquement concentrés et se connaissaient aux Pays-Bas avant de rejoindre l’organisation, et que beaucoup d’entre eux étaient membres de Sharia4Holland. Le rapport a révélé que (70%) des combattants néerlandais venaient des mêmes régions et étaient associés à (4) groupes extrémistes.

La Suisse renvoie pour la première fois les enfants de « terroristes »

La Suisse a renvoyé pour la première fois deux filles, âgées de 9 et 15 ans, qui avaient été emmenées par leur mère en 2016 dans des zones sous contrôle de Daech, qui se trouvaient dans un camp pour familles de combattants de Daech sous le contrôle des Kurdes dans le nord-est de la Syrie, selon le ministère fédéral des Affaires étrangères. Le ministère a confirmé que c’est « la première fois que la Suisse procède à une opération de retour de ce genre ». Les deux filles ont d’abord déménagé en Irak avant de se rendre en Suisse. Le ministère a précisé dans un communiqué que l’opération a été menée en coopération avec les autorités en charge de la gestion du camp où se trouvaient les deux filles. Les autorités suisses avaient estimé qu’il y avait à l’époque une vingtaine de personnes (hommes, femmes et enfants) de nationalité suisse dans la zone de conflit entre la Syrie et l’Irak, qui pourraient être des « voyageurs à motivation terroriste », selon Al-Araby Al-Jadeed en date du 7 décembre 2022.

Comment gérer le retour des combattants étrangers?

L’Union européenne a renforcé le rôle d’Europol dans l’émission d’alertes médiatiques sur les combattants étrangers, Selon ec.europa.eu du 1er février 2022. Europol a suggéré que les États membres du système d’information Schengen saisissent les informations reçues de pays extérieurs à l’Union européenne sur les combattants étrangers. Ce qui permettra aux agents aux frontières extérieures de l’Union et au sein de l’espace Schengen d’exploiter directement ces informations.

Le retour des combattants terroristes étrangers et de leurs familles pose des défis aux sociétés européennes. Une formation a été dispensée aux travailleurs sociaux dans le cadre du processus de réadaptation et de réinsertion. La formation comprenait plusieurs questions clés pour comprendre et répondre aux cas de FTF de retour et à leurs familles dans une perspective de réhabilitation et de réintégration dans les Balkans occidentaux selon « ec.europa.eu » le 9 novembre 2021.
• Quel rôle les personnels sociaux peuvent-ils jouer dans la réhabilitation et la réintégration des combattants étrangers de retour et des membres de leur famille ?
• Quelles sont les expériences de travail des participants avec les combattants étrangers de retour et leurs familles ?
• Quelles sont les caractéristiques du travail avec les combattants étrangers de retour et les membres de leur famille par rapport au travail avec d’autres catégories de personnes ?
• Comment les praticiens peuvent-ils améliorer leurs connaissances, aptitudes et compétences en travaillant avec ce groupe spécifique de rapatriés ?

Evaluation

L’Union européenne insiste, depuis 2013, sur le fait que la menace sécuritaire représente le nombre sans précédent de combattants étrangers qui se déplacent de l’UE vers la Syrie et d’autres zones de conflit. Les pays européens refusent de reprendre les combattants adultes de Daech à leurs citoyens. Ils constituent une menace pour la sécurité intérieure de l’UE, car ils ont souvent été entraînés à combattre.
Les craintes grandissent que leur retour contribue à des liens avec un réseau terroriste et extrémiste. Cette menace perçue s’est rapidement matérialisée par des attentats terroristes perpétrés par des rapatriés.

Ces attentats ont ouvert la voie à toute une série de politiques de l’UE visant à garantir la sécurité des citoyens de l’UE, à prévenir l’extrémisme et à renforcer la coopération avec les pays tiers pour lutter contre le terrorisme. Afin d’assurer la sécurité des citoyens de l’UE, le législateur de l’UE a d’abord établi une politique basée sur des contrôles renforcés aux frontières extérieures de l’UE et un échange d’informations renforcé entre les États membres.

Mots clés :Daech | Europe | Sécurité | terrorisme
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