Présidentielle au Tchad : tensions entre les alliances occidentales et l’influence croissante de la Russie

Mai 11, 2024 | Afrique, Europe, France, Les rapports

L’élection présidentielle au Tchad du 6 mai 2024 est déjà considérée comme verrouillée en faveur du président sortant, Mahamat Idriss Déby.
Le Tchad est un vaste pays désertique, enclavé et très pauvre, mais il est stratégiquement important pour la france et les États-Unis dans leur lutte contre les djihadistes au Sahel.

Le général Mahamat Idriss Déby est à la tête de la junte militaire qui a pris le pouvoir après la mort de son père, Idriss Déby, en avril 2021. Il est également le chef du parti Coalition pour un Tchad uni et est largement favori pour remporter le scrutin présidentiel. Cependant, de nombreux observateurs internationaux ont critiqué les conditions dans lesquelles se déroule cette élection.

Tout d’abord, il n’y a pas d’observateurs occidentaux pour surveiller le scrutin. Ensuite, la commission électorale a été entièrement nommée par le pouvoir en place, ce qui soulève des questions sur son impartialité.

De plus, il a été interdit aux opposants de photographier les procès-verbaux des décomptes de voix, ce qui rend difficile la vérification des résultats. Enfin, la moitié des vingt candidats à l’élection ont été invalidés, ce qui réduit encore les choix pour les électeurs.

Malgré ces préoccupations, le général Mahamat Idriss Déby est considéré comme le favori incontesté de l’élection. Il a succédé à son père à la tête du pays après sa mort lors d’une attaque de djihadistes sur le front nord. Cette succession a été contestée par certains, car elle ne respectait pas la Constitution. Cependant, le général Mahamat Idriss Déby a été désigné par une junte de quinze généraux et est depuis lors à la tête du pays.

Le seul candidat qui semble pouvoir rivaliser avec le général Mahamat Idriss Déby est son propre Premier ministre, Succès Masra.
Pour autant, certains de ses anciens partisans considèrent sa candidature comme une trahison, car des centaines de militants de son parti ont été tués par la police et l’armée en octobre 2022, tandis qu’un millier d’entre eux ont été envoyés au bagne de Koro Toro. Cet événement a marqué la fin de tout espoir de transition authentiquement démocratique promise par le régime lors de la nomination de Mahamat Déby.

Le Tchad est un pays particulièrement pauvre, avec un niveau de vie parmi les plus bas d’Afrique. Près de 42 % des Tchadiens vivent sous le seuil de pauvreté et l’indice de développement humain (mortalité infantile, espérance de vie, alphabétisme) le classe au 187e rang mondial sur 193. Les ressources minières prometteuses du pays, telles que l’or, le fer, la bauxite, le cuivre, l’étain et le tungstène, restent pour l’instant à l’état de promesses, le pays n’exportant substantiellement que du pétrole.

Les deux principales plateformes d’opposition, Wakit Tama et le CGAP, ont appelé à boycotter l’élection, qu’elles considèrent comme une mascarade destinée à consacrer une « dynastie Déby ». Des violences sont à craindre dans les jours suivant le scrutin, au fur et à mesure que les résultats seront annoncés.

L’alliance avec Paris et Washington est également en jeu dans cette élection. Le Tchad est le dernier point d’appui des deux pays dans la lutte contre les djihadistes au Sahel. La France maintient encore un millier de soldats.

Pour autant, on ne saura occulter que le président de la transition, Mahamat Idriss Déby Itno, a effectué une visite officielle en Russie le 23 janvier 2024 qu’il avait qualifié pays de « frère ».

Dans ce contexte le Tchad pourrait décider de changer d’alliance avec les Occidentaux au profit de Moscou après l’élection.
A l’aune du retrait partiel et temporaire des troupes américaines du Tchad, rien ne permet d’exclure que les autorités de N’Djamena soient les prochaines à demander le départ des troupes françaises stationnées dans le pays.

Olivier d’Auzon

Mots clés :#Occident | #Sahel | france | Russie | Tchad
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