Nouvelle escalade sanglante : pourquoi Daesh revient-il en force au Mozambique ?

Juin 1, 2025 | Afrique, Les rapports, Terrorisme

Dans une escalade qui illustre la fragilité sécuritaire du nord du Mozambique, plus d’une dizaine de soldats ont été tués lors d’une attaque lancée par des combattants de l’organisation Daesh contre une base militaire près de Macomia, dans la province de Cabo Delgado. Le groupe a revendiqué l’attaque, affirmant avoir tué 10 soldats — la deuxième opération majeure en moins d’un mois.

Bien que l’organisation ait tendance à exagérer les pertes de ses ennemis, cette attaque révèle une audace croissante dans le ciblage de sites militaires sensibles. L’escalade actuelle confirme la capacité du groupe à mener des opérations coordonnées sur le terrain, défiant ainsi la présence sécuritaire massive dans la région.

 

Ces attaques ne sont pas isolées. Ce mois-ci, 11 soldats ont été tués dans une attaque similaire. La province de Niassa a également connu des assauts contre une réserve naturelle, causant la mort de gardes forestiers et le déplacement de centaines de civils. Cette vague de violence témoigne d’une extension géographique préoccupante et d’un degré de brutalité inquiétant.

Cabo Delgado en feu

Les récentes attaques coïncident avec l’annonce par TotalEnergies de sa volonté de relancer son projet de gaz naturel liquéfié à Cabo Delgado, suspendu depuis 2021 après une attaque dévastatrice contre la ville de Palma.

Cette attaque avait fait des centaines de morts et disparus, et poussé des milliers de personnes à fuir. Ce regain d’intérêt économique semble avoir attisé l’envie de Daesh de frapper des cibles à forte valeur symbolique et stratégique, dans un message clair : le retour à la stabilité n’est qu’une illusion.

Et bien que le PDG de Total ait affirmé que “la situation s’est considérablement améliorée”, la poursuite des attaques démontre la fragilité de cette amélioration supposée, et souligne l’absence réelle de sécurité durable. Selon les données de l’organisation ACLED, plus de 6 000 personnes ont été tuées depuis le début de l’insurrection en 2017, et plus d’un million ont été déplacées.

Les causes de l’escalade

L’analyse des dynamiques de cette recrudescence de violence révèle plusieurs causes principales :

 1. La campagne militaire lancée en 2021, bien qu’elle ait permis de reprendre certaines zones, n’a pas éliminé le groupe. Elle l’a poussé à changer de tactique et à se redéployer dans de nouvelles régions, comme Niassa.

 2. Les capacités limitées du gouvernement mozambicain, tant en ressources qu’en renseignement, rendent difficile la protection des vastes zones rurales. L’organisation utilise des tactiques de guérilla, de type “frappe et fuite”, et profite du relief difficile d’accès.

 3. Daesh exploite les tensions locales, en particulier les exclusions sociales et économiques, pour recruter de nouveaux membres, en tirant profit du chômage, de la pauvreté et des déplacements forcés.

La nature en danger

L’attaque contre la réserve de Niassa — l’une des plus grandes zones protégées d’Afrique — illustre l’élargissement du champ de violence.

 Des gardes et éclaireurs ont été tués, les projets de protection de l’environnement ont été interrompus, menaçant des décennies de travail écologique et toute perspective de développement touristique ou économique.

La réserve s’est transformée en zone de terreur, où les insurgés imposent leur loi, en l’absence quasi totale de l’État. Neuf camps touristiques dédiés à la préservation de l’environnement ont été fermés.

Des exécutions atroces ont été rapportées, dont des décapitations dans un camp de safari. Face à cette terreur organisée, les communautés locales vivent dans l’isolement et la peur, aggravant encore les crises humanitaires.

Scénarios possibles Trois scénarios se dessinent :

 1. Optimiste : la coalition régionale menée par le Rwanda, avec un appui international, réussit à reprendre le contrôle, à condition d’adopter une stratégie intégrée combinant sécurité, développement et réconciliation.

 2. Prolongation de la crise : Daesh continue son expansion et ses attaques surprises, profitant du démantèlement de l’appareil étatique et de l’absence de coordination, transformant le nord du pays en théâtre d’une guerre de guérilla prolongée.

 3. Scénario pessimiste : le conflit déborde vers les pays voisins — Tanzanie, Malawi — allumant un foyer régional de terrorisme transfrontalier.

Un défi régional majeur

Ce qui se joue au Mozambique dépasse désormais le cadre national, devenant un test décisif pour la sécurité de l’Afrique australe.

 L’intensification des attaques de Daesh met en lumière les failles du dispositif sécuritaire régional, et confronte les pays voisins à un péril imminent nécessitant une réponse collective, coordonnée et multidimensionnelle.

Dans ce contexte, le groupe réorganise ses rangs, exploitant les faiblesses de l’État et l’exclusion sociale.

Et alors que la violence s’intensifie, il devient clair que la solution ne peut se limiter à la confrontation militaire, mais nécessite une approche globale intégrant sécurité, développement et réconciliation nationale.

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