Migrations et initiatives européennes pour prévenir l’immigration irrégulière

Oct 15, 2024 | Europe, Les rapports

La gestion des flux migratoires est l’un des défis majeurs auxquels l’Europe est confrontée depuis plusieurs décennies. Face à une recrudescence de l’immigration irrégulière, notamment via la mer Méditerranée, plusieurs pays européens cherchent à renforcer leurs politiques migratoires. Le transfert de migrants vers des pays tiers devient ainsi une piste privilégiée pour externaliser la demande d’asile, comme en témoigne l’accord récent entre l’Italie et l’Albanie. Ce rapport explore cette approche, les attentes des États membres de l’Union européenne, et la complexité juridique et éthique autour de la notion de « pays tiers sûr ».

I. L’accord Italie-Albanie : un modèle à suivre ?

Un peu moins d’un an après la signature d’un accord entre l’Italie et l’Albanie, un premier groupe de migrants a été transféré vers l’Albanie le 14 octobre 2024. L’objectif pour l’Italie est d’externaliser la gestion des demandes d’asile de certains migrants interceptés en mer Méditerranée. Ces migrants sont placés dans des centres de rétention en Albanie, sous surveillance italienne, et où la législation italienne continue de s’appliquer.

Ce modèle suscite un grand intérêt parmi les pays européens, et notamment parmi les 15 États – dont la Grèce – qui ont adressé une lettre au printemps 2024 à la Commission européenne, appelant à réévaluer la gestion de l’immigration irrégulière à l’échelle continentale. Ces pays souhaitent que Bruxelles s’inspire de cet accord pour développer des mécanismes similaires à travers l’Europe.

L’accord entre l’Italie et l’Albanie est ainsi perçu comme un moyen efficace de « soulager » l’Union européenne du fardeau que représente la gestion des demandes d’asile, tout en conservant un contrôle juridique sur le processus. Pour ces pays, le modèle offre une solution pratique pour faire face à l’afflux de migrants tout en respectant les lois européennes.

II. La position des 15 pays européens

Dans leur lettre, les 15 pays européens, dont la Grèce, plaident pour « de nouvelles solutions pour prévenir l’immigration irrégulière ». Ils estiment que les dispositions actuelles du Pacte européen sur la migration et l’asile, récemment adoptées, ne vont pas assez loin pour gérer efficacement les défis migratoires. Leur principal souhait est de faciliter le transfert des migrants interceptés ou secourus en mer vers des pays tiers en dehors de l’Union européenne.

En transférant les migrants vers ces pays tiers, il s’agirait de traiter leurs demandes d’asile directement sur place. Cette approche vise non seulement à désengorger les pays européens, mais aussi à dissuader les migrants d’entreprendre des traversées dangereuses. L’Italie, en s’associant à l’Albanie, offre donc un exemple de ce que ces pays européens aimeraient voir reproduit à plus grande échelle.

III. Le concept de « pays tiers sûr » : une réévaluation nécessaire ?

L’un des éléments clés de cette approche repose sur la notion de « pays tiers sûr ». Selon ce concept, un migrant pourrait être transféré vers un pays tiers, considéré comme « sûr », où il pourrait déposer sa demande d’asile. Ce pays serait alors responsable de l’examen de la demande, allégeant ainsi la pression sur les États membres de l’Union européenne.

Cependant, cette notion fait l’objet de nombreux débats. Le critère principal est de savoir si le pays tiers respecte les droits humains fondamentaux et s’il garantit des conditions adéquates pour l’accueil des migrants. Certains détracteurs estiment que certains pays tiers ne répondent pas à ces normes et que les transferts de migrants pourraient ainsi exposer ces derniers à des traitements inhumains ou dégradants.

Dans leur lettre, les 15 pays européens appellent à une réévaluation de ce concept dans la loi européenne. Ils souhaitent que Bruxelles clarifie les critères qui définissent un « pays tiers sûr » et s’assure que ces transferts respectent les engagements de l’Europe en matière de droits humains et de valeurs éthiques.

IV. Enjeux juridiques et éthiques

L’externalisation des demandes d’asile soulève plusieurs questions juridiques et éthiques. D’une part, l’Union européenne est tenue de respecter le droit international, notamment la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, qui garantit le droit de demander l’asile et interdit le refoulement de réfugiés vers des pays où ils risquent des persécutions.

D’autre part, le transfert de migrants vers des pays tiers, notamment hors de l’Union européenne, doit garantir que ces pays offrent des conditions d’accueil conformes aux standards internationaux en matière de droits humains. La crainte est que ces pays, qui ne sont pas liés aux mêmes obligations que les États membres de l’Union européenne, puissent déroger à ces normes. C’est pourquoi la notion de « pays tiers sûr » doit être rigoureusement encadrée.

Les centres de rétention, comme ceux utilisés en Albanie dans le cadre de l’accord avec l’Italie, sont également sujets à des critiques, notamment en ce qui concerne les conditions de vie des migrants et l’application du droit italien en dehors des frontières européennes.

Conclusion

La question de l’immigration irrégulière continue de diviser l’Europe. Si certains pays plaident pour une approche plus stricte, en externalisant la gestion des demandes d’asile et en transférant les migrants vers des pays tiers, d’autres s’inquiètent des implications juridiques et éthiques de cette démarche. L’accord entre l’Italie et l’Albanie pourrait constituer un modèle pour d’autres pays européens, mais il reste essentiel de s’assurer que ces pratiques respectent les droits humains et les valeurs de l’Union européenne. La réévaluation de la notion de « pays tiers sûr » pourrait être un premier pas vers un cadre légal plus clair et mieux adapté aux défis actuels de la migration.

Mots clés :économie | Europe | Grèce | migrant
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