Le débat au sein de l’Otan sur l’éventualité d’une intervention conventionnelle de ses membres en Ukraine révèle un certain niveau de désarroi au sein de l’alliance.
l’Otan envisage la possibilité d’une percée russe à travers la ligne de contact plus tard cette année, mais demeure bien incertaine quant à la manière de réagir si cela se produit.
Le président français Emmanuel Macron a-t-il accueilli plus de 20 dirigeants européens à Paris, le 26 février 2024 pour discuter des prochaines étapes en Ukraine, y compris la possibilité d’une intervention conventionnelle de l’Otan, qu’il a déclaré n’exclure que pour des raisons d' »ambiguïté stratégique », alors que des discussions n’ont pas abouti quant à un consensus sur cette question.
Le chef de l’État français lui-même n’a pas souhaité éclaircir la position de la France, expliquant assumer une «ambiguïté stratégique». «Je n’ai absolument pas dit que la France n’y était pas favorable, a-t-il ajouté. Je ne lèverai pas l’ambiguïté des débats de ce soir en donnant des noms», a-t-il ajouté.
Bien heureusement, certains pays ont su faire preuve de clairvoyance et de clarté quant à l’éventualité d’une intervention militaire en Ukraine, en particulier parmi les États membres du groupe de Visegrád.
C’est ainsi que le 27 février 2024 au matin, le Premier ministre tchèque, Petr Fiala, a-t-il affirmé que Prague n’avait pas l’intention d’envoyer des troupes en Ukraine, assurant que « personne n’a à s’en inquiéter », une déclaration déjà faite la veille au soir.
A Varsovie le Premier ministre Donald Tusk s’est dit « prêt à participer à toute initiative visant à mettre fin à la guerre en Ukraine », mais a exclu l’envoi de troupes.
Pour sa part, Peter Szijjarto. le ministre des Affaires étrangères hongrois a catégoriquement rejeté l’idée évoquée par le président français, affirmant que « notre position est solide comme le roc : nous ne sommes pas disposés à envoyer des armes ou des troupes en Ukraine », a déclaré le ministre.
Le président slovaque Robert Fico, élu en 2023, a quant à lui estimé qu’un tel envoi de troupes conduirait à une « énorme escalade », qualifiant la conférence de Paris de « réunion de combat ».
Quant à la Suède, le Premier ministre Ulf Kristersson a déclaré sur la chaîne de télévision publique SVT que l’envoi de militaires en Ukraine « n’est pas du tout d’actualité pour l’instant », ajoutant que « la tradition [d’engagement militaire] française n’est pas la tradition suédoise ». Stockholm n’a en effet pas connu de conflit depuis un affrontement avec la Norvège en 1814.
Et s’agissant du chancelier allemand Olaf Scholz ? il a été tout aussi lapidaire : il n’y aura pas d’envoi de « soldats » d’Europe ou de l’Otan en Ukraine. Le ministre de la Défense, Oscar Pistorius, a-t-il évoqué « une proposition de réflexion du président Macron que personne n’a apparemment suivie »
La même position est adoptée en Grande-Bretagne, où un porte-parole du Premier ministre a déclaré que le Royaume-Uni ne prévoyait « pas de déploiement à grande échelle ». En Espagne, le porte-parole du gouvernement a précisé que Madrid n’était « pas d’accord » avec l’idée d’envoyer des troupes en Ukraine.
Enfin pour Washington, aucune réaction officielle n’a pour l’heure été formulée. « Beaucoup de ceux qui disent ‘Jamais, jamais’ aujourd’hui étaient ceux qui disaient ‘Jamais des tanks, jamais des avions, jamais des missiles à longue portée’ il y a deux ans », a déclaré hier soir Emmanuel Macron. « Ayons l’humilité de constater qu’on a souvent eu six à douze mois de retard. C’était l’objectif de la discussion de ce soir : tout est possible si c’est utile pour atteindre notre objectif. »
Pour Kiev se débat ne manque pas d’intérêt. « Cela montre une prise de conscience absolue des risques posés à l’Europe par une Russie militariste et agressive », a déclaré un conseiller présidentiel .
Pour sa Moscou le Kremlin ne manque pas de mettre en garde l’Occident : envoyer des troupes en Ukraine ne serait « pas dans l’intérêt » des Occidentaux.
De fait, interrogé sur le risque d’un conflit direct entre l’Otan et la Russie, en cas de présence militaire en Ukraine, Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin, a répondu que « dans ce cas, nous ne devrions pas parler de probabilité, mais d’inévitabilité ».
Or la déclaration du Président français Emmanuel Macron sur un éventuel envoi de troupes européennes en Ukraine a suscité une émotion bien légitime en France comme à l’étranger
L’opposition française a-t-elle fustigée une «déclaration lourde de terribles conséquences», sans «le moindre débat parlementaire». «Cette position est-elle vraiment réfléchie ?» a questionné Éric Ciotti le député des Alpes-Maritimes.( LR)
Quant à Jordan Bardella, le président du Rassemblement national (RN), a également estimé sur X qu’Emmanuel Macron était en train de «perdre son sang-froid». Et d’affirmer : «Le rôle de la France est d’incarner un chemin d’équilibre. Agiter le spectre d’un engagement de nos troupes face à une puissance nucléaire est un acte tout aussi grave qu’imprudent.»
« Dieu merci, l’Europe est divisée sur les questions de vie ou de mort et certains gardent leur sang froid » souligne salutairement Caroline Galateros, Présidente du Think Tank de géopolitique ‘Géopragma’….
Olivier d’Auzon