C’est la question qui se pose alors que le Niger a décidé de suspendre un accord militaire avec les États-Unis, accordant ainsi aux troupes américaines une base stratégique et une rampe de lancement de drones dans la région du Sahel.
Cette décision, annoncée le 16 mars 2024, intervient après un différend concernant les liens de Niamey avec Moscou et Téhéran, qui a émergé lorsque des responsables américains ont visité le Niger début mars 2024 pour exprimer leurs inquiétudes.
Qu’en est-il de l’accord militaire entre les États-Unis et le Niger ?
L’accord sur le « statut des forces », signé en 2012, permettait à environ 1 000 militaires américains et à des membres civils du personnel de défense d’opérer depuis le Niger, qui joue un rôle central dans les opérations militaires américaines dans le Sahel.
L’armée américaine exploite la base aérienne 101 dans la capitale du Niger, Niamey, ainsi qu’une importante base aérienne, la base aérienne 201, près d’Agadez.
Cette dernière a été construite de 2016 à 2019 pour un coût de plus de 100 millions de dollars et est utilisée depuis 2018 pour des opérations de drones contre des groupes armés liés à l’EI et à Al-Qaïda dans le Sahel.
Pourquoi le Niger a-t-il suspendu l’accord ?
Des responsables américains de haut niveau ont exprimé leurs vives préoccupations quant aux relations potentielles du Niger avec la Russie et l’Iran lors de leur visite début mars 2024. Le colonel Amadou Abdramane, porte-parole militaire du Niger, a déclaré que cette décision était en partie due à la pression exercée par les États-Unis sur les pays avec lesquels le Niger pouvait s’associer. Il a également critiqué l’attitude condescendante des diplomates américains et le non-respect du protocole diplomatique par Washington.
Alexis Akwagyiram, directeur général de la plateforme d’informations Semafor Africa, a souligné que le cœur de la décision du Niger était son choix de partenaires militaires, en particulier la Russie.
Il a également suggéré que l’attitude condescendante des États-Unis envers le Niger pourrait avoir influencé cette décision. Selon lui, la présence américaine n’a pas réussi à éliminer les activités des groupes armés dans la région.
Kabir Adamu, spécialiste de la sécurité et du renseignement axé sur l’Afrique de l’Ouest et la région du Sahel, a souligné que malgré les partenariats existants, le Sahel reste un foyer majeur du terrorisme dans le monde.
Quant à la Russie et à l’Iran, leur implication dans la région est notable. Le Niger est sous régime militaire depuis juillet 2023, et après le coup d’État, le pays s’est tourné vers la Russie pour obtenir un soutien, notamment en expulsant les forces françaises et européennes.
Des délégations nigériennes ont également visité Moscou et Téhéran pour discuter de liens militaires et économiques, ce qui a alimenté les suspicions des États-Unis.
Enfin, la suspension de l’accord pourrait laisser le Niger vulnérable, selon Alexis Akwagyiram, et entraîner une détérioration de la situation sécuritaire dans la région.
Pour l’heure, la décision de la junte, prise peu de temps après la visite d’une délégation américaine de haut niveau, montre clairement son orientation vers Moscou plutôt que vers l’Occident, rejoignant ainsi le Mali et le Burkina Faso dans cette position.
Il reste à voir comment cette décision sera accueillie au sein des forces armées nigériennes, notamment en ce qui concerne l’avenir du chef d’état-major des FAN, le général Barmou, qui a été formé aux États-Unis.
En tout cas, les États-Unis ont tout essayé pour maintenir leur base de drones à Agadez, dans laquelle ils ont investi plus de 100 millions de dollars. La suite des relations diplomatiques entre les États-Unis et le Niger reste incertaine, surtout après que Niamey ait rompu ses liens avec Paris il y a six mois.
Le départ des États-Unis signifie qu’ils devront revoir leur stratégie en Afrique
Ils pourraient envisager le Tchad comme une alternative logique, étant donné sa proximité avec le Niger et la Libye, ainsi que la présence solide de la France dans le pays. D’autres options telles que la Mauritanie, le nord du Bénin ou même le Maroc pourraient également être envisagées, bien que rien ne soit encore décidé.
La décision de la junte, prise peu de temps après la visite d’une délégation américaine de haut niveau, montre clairement son orientation vers Moscou plutôt que vers l’Occident, rejoignant ainsi le Mali et le Burkina Faso dans cette position.
Quoiqu’il en soit, le départ des États-Unis marque la fin d’une présence occidentale majeure sur le territoire nigérien, ce qui pourrait avoir d’importantes répercussions régionales.
Pour les États-Unis, perdre l’accès à la base du Niger réduirait leur présence militaire dans une zone où l’influence russe croît régulièrement. Cette évolution pourrait également avoir des répercussions sur la politique intérieure américaine, notamment pour le président Biden en cette année électorale.