Le remplissage du réservoir du barrage de la Renaissance déclenche l’ire du Caire.

Sep 15, 2023 | Afrique, Les rapports

Longtemps redouté, notamment par l’Égypte, Addis-Abeba a annoncé, le 10 septembre 2023, avoir terminé de remplir le réservoir du barrage, alimenté essentiellement par le Nil bleu, suscitant la colère des autorités égyptiennes, rapportait Muhammed Kotb, le 11 septembre 2023, dans les colonnes du site Egyptian Streets ’’ Egypt Denounces Ethiopia’s latest « illegal » filling of GERD’’.

Quelques heures plus tard, le ministère des Affaires étrangères égyptien a publié un communiqué dans lequel il qualifiait «d’illégal », le remplissage du barrage . Etant entendu que cette décision a été prise unilatéralement par l’Éthiopie. Rapportait
C’est une nouvelle escalade dans les tensions qui durent depuis une douzaine d’années entre le Caire, Khartoum et Addis Abeba autour du grand barrage de la Renaissance (GERD), le plus grand d’Afrique, en Éthiopie. Et ce à peine deux semaines après l’annonce de la reprise des négociations entre les trois pays, qui étaient suspendues depuis plus de deux ans.

“Cette décision représente assurément une nouvelle escalade dans un conflit de longue date sur l’eau entre l’Éthiopie et ses voisins.
De fait, Le Caire, considère le GERD comme une menace existentielle en raison de sa dépendance presque totale à l’eau du Nil.
Environ 97 % des 106 millions d’Égyptiens vivent le long de ce fleuve, qui prend sa source en Éthiopie (pour le Nil bleu, qui fournit l’essentiel de l’eau du fleuve et sur lequel se trouve le grand barrage) et se déverse dans la mer Méditerranée.
Quant à Addis Abeba, il assure par sa part que son barrage hors normes, situé dans le nord-ouest du pays, à une trentaine de kilomètres de la frontière avec le Soudan, n’aura pas d’incidence sur leur débit du fleuve.

Pour l’Éthiopie, le GERD est indispensable, pour ne pas dire négociable Il a coûté environ la bagatelle de 3,5 milliards d’euros, il est au cœur d’un conflit régional depuis qu’Addis Abeba a initié sa construction en 2011.
Qu’on y songe, avec ce barrage hydroélectrique hors norme (1,8 km de long, 145 mètres de haut) capable de produire à terme plus de 5 000 mégawatts, l’Éthiopie entend doubler sa production d’électricité, à laquelle environ seulement la moitié de ses quelque 120 millions d’habitants ont actuellement accès.

Pour mémoire, le remplissage du réservoir du barrage intervient après l’échec des négociations parrainées par l’Union africaine, en avril 2021.
Longtemps dans l’impasse, des négociations entre l’Éthiopie, l’Égypte et le Soudan ont repris au Caire le 27 août 2023, dans le but de parvenir à un accord « tenant compte des intérêts et des préoccupations des trois pays », avait affirmé le ministère égyptien de l’Eau et de l’Irrigation.
Or à la mi-juillet 2023, le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, et le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, ont convenu de reprendre les négociations sur les règles de remplissage et d’exploitation du barrage lors d’un sommet des voisins du Soudan au Caire.
Dans ce contexte, le remplissage du barrage initié par l’Éthiopie, constitue assurément une décision susceptible de mettre de l’eau sur le feu ; étant entendu que l’esprit des négociations est bel et bien dévoyé.

Dans cette perspective, il y a lieu de s’interroger aussi sur la position du Soudan.
Or chacun sait que ce pays subit une transition meurtrière, qui subit des combats sanglants entre deux généraux : Abdel Fattah Al-Burhan, qui dirige l’armée soudanaise (SAF), et Mohamed Hamdane Daglo dit “Hemeti”, chef des Forces de soutien rapide (RSF) et numéro deux de la junte au pouvoir.

Le Soudan a d’abord été du côté de l’Éthiopie, puis il s’est rallié à l’Égypte, et semble actuellement revenu dans le camp éthiopien.
Ce revirement de position tiendrait aux progrès réalisés par l’Éthiopie et le Soudan dans la résolution de leur conflit sur le triangle d’Al-Fashaga, une région fertile à la frontière entre les deux pays. Selon certains, le Soudan commencerait également à voir l’utilité du Gerd pour réduire l’ampleur des inondations provoquées chaque année par les crues du Nil.
Si connaître la position de Khartoun à l’aune de la guerre civile tient de la gageure, Jemima Oakey, spécialiste de l’eau chez Azure Strategy, si “Hemeti” l’emporte, il pourrait revendiquer Al-Fashaga, ce qui empêcherait tout accord avec l’Éthiopie sur le GERD, mais ce n’est que pure spéculation.

Olivier d’Auzon

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