Qu’on se le dise, l’Arabie Saoudite s’intéresse aussi au Continent africain, souligne volontiers Nosmot Gbadamosi dans les colonnes de Foreign Policy dans son article : « Saudi Arabia Courts African Leaders », publié le 10 janvier 2024.
Pour preuve, Riyad a-t-il accueilli des dirigeants africains en novembre 2023 lors du premier sommet Arabie saoudite-Afrique visant à renforcer les liens commerciaux.
Dans cette perspective, le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman a-t-il proposé, entre autres mesures, une enveloppe de 10 milliards de dollars pour financer et assurer les exportations saoudiennes jusqu’en 2030, ainsi qu’une enveloppe supplémentaire de 5 milliards de dollars pour le développement des nations africaines.
Qu’on y songe, l’Arabie saoudite propose à la fois un allègement de la dette et une résolution des conflits aux nations africaines.
Chemin faisant, en novembre 2023, Riyad a-t-il tenté de faciliter des négociations de paix entre les généraux en guerre au Soudan.
De plus, un ambitieux plan d’investissement totalisant environ 25 milliards de dollars en Afrique d’ici la fin de la décennie a récemment été dévoilé, couvrant des domaines aussi variés que la coopération en matière d’énergie propre, la lutte contre le terrorisme, la réponse aux changements climatiques et le financement plus abordable.
Pour mémoire, en 2020, lors de sa présidence du G20, l’Arabie saoudite avait appelé à la suspension des paiements de service de la dette africaine.
Aujourd’hui, Riyad commence à s’activement concrètement via le Fonds de développement saoudien en signant des accords d’une valeur de 2 milliards de riyals (533 millions de dollars) avec des gouvernements arabes et africains lors de la Conférence économique saoudo-arabo-africaine, qui s’est tenue avant le sommet du 10 novembre 2023.
Dans ce contexte, des experts en sécurité estiment que la crise énergétique mondiale suivant « l’opération spéciale » en Ukraine en février 2022 a offert à l’Arabie saoudite l’opportunité de renforcer son influence et de devenir par voie de conséquence, moins dépendante de Washington.
Comme le souligne Anna Jacobs, analyste du golfe Persique, « la nouvelle approche est également guidée par la perception saoudienne selon laquelle les États-Unis sont devenus peu fiables dans leur rôle de facto de garant de la sécurité du Golfe, mettant ainsi davantage de pression sur la diplomatie saoudienne pour créer un climat géopolitique propice à ses objectifs et intérêts ».
« Comme nous le savons, l’Afrique est un point focal pour des grandes puissances telles que les États-Unis, la Chine et la Russie, en plus des nations émergentes », a déclaré Khaled Manzlawiy, le secrétaire général adjoint aux affaires politiques internationales de la Ligue arabe. « Le rôle mondial croissant de l’Arabie saoudite nécessite l’expansion des relations avec l’Orient et l’Occident, y compris le continent africain », a ajouté Manzlawiy dans une interview avec le journal arabophone basé à Londres, Asharq Al-Awsat.
Le nouveau plan repose sur la Vision 2030 du prince héritier, un plan géoéconomique initié en 2016 pour réduire la dépendance de l’Arabie saoudite à la richesse pétrolière et développer son économie dans les domaines des énergies renouvelables, du sport, du tourisme, de la logistique et de l’intelligence artificielle.
Pour atteindre ces objectifs, Riyad a-t-il adopté une approche de diplomatie s assez souple envers les nations du « sud global », en particulier en Afrique. Quand, dans le même temps, d’autres rivaux du Moyen-Orient ont aussi renforcé leur présence diplomatique sur le continent, notamment les Émirats arabes unis, le Qatar et la Turquie.
Le sommet de novembre 2023 a bel et bien abouti au lancement par le prince héritier de l’Initiative de développement du roi Salman en Afrique, un projet qui se terminera en 2030, date limite mondiale des objectifs de développement durable de l’ONU.
De plus, a-t-il annoncé l’intention d’augmenter le nombre d’ambassades saoudiennes sur le continent, passant d’environ 27 à plus de 40.
A ce titre, on aimerait souligner que parmi les participants figuraient les dirigeants et ministres des Affaires étrangères du Nigeria, du Kenya, de l’Égypte, de l’Éthiopie, de Djibouti, du Rwanda, des Seychelles et de la Mauritanie.
Les dirigeants de nations africaines ostracisées par l’Europe et les États-Unis étaient également présents, dont le Gabon, le Niger et le leader de la junte soudanaise, Abdel Fattah al-Burhan.
Le président nigérian Bola Tinubu était accompagné à Riyad par plusieurs de ses ministres, notamment ceux de l’économie, de l’éducation et de la sécurité nationale. Des accords d’investissement avec le Nigeria ont ainsi été conclus, notamment pour la rénovation des quatre raffineries pétrolières du Nigeria et un dépôt financier pour soutenir les réformes de change du gouvernement.
D’autres accords énergétiques ont été signés avec le Sénégal, le Tchad et l’Éthiopie ; pendant ce temps, les Seychelles ont cherché un partenariat pour la gestion de leur zone économique exclusive.
Le ministère des Finances du Mozambique a-t-il annoncé la signature d’un accord de financement de 158 millions de dollars avec le Fonds de développement saoudien pour la construction d’hôpitaux et d’un barrage.
Par ailleurs, on ne saurait occulter que le premier sommet Arabie saoudite-Afrique visait aussi à mobiliser l’Afrique contre ce que l’Arabie saoudite considère comme une réponse disproportionnée d‘Israël à la bande de Gaza suite à l’attaque du 7 octobre 2023 par les militants du Hamas.
Il s’inscrivait du reste dans une série de sommets organisés par l’Arabie saoudite avec des nations arabes, islamiques et africaines pour discuter du conflit israélo-palestinien.
Les dirigeants participant au sommet africain ont ainsi publié une déclaration commune appelant à un cessez-le-feu humanitaire à Gaza et à des efforts intensifiés en faveur d’une solution à deux États, a rapporté l’agence de presse saoudienne SPA.
En décembre 2023, le prince héritier a déclaré à Fox News que son pays se rapprochait de la normalisation des relations avec Israël, le président iranien Ebrahim Raisi s’est rendu à Riyad en novembre 2023, marquant la première visite d’un dirigeant iranien en Arabie saoudite depuis 11 ans, afin de pousser les nations arabes vers une réponse plus forte contre Israël. Le prince héritier a condamné ce qu’il a appelé « les violations du droit international par les autorités d’occupation israéliennes ».
Lors du sommet arabo-islamique convoqué à Riyad, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a averti qu’un retard dans l’arrêt de la guerre à Gaza pourrait conduire à une expansion des confrontations militaires dans la région. En marge de la réunion, Ebrahim Raisi a discuté de la normalisation des relations diplomatiques entre l’Égypte et l’Iran.
Olivier d’Auzon