La Turquie à la nouvelle conquête du continent africain : Afrique du Nord

Fév 23, 2021 | Afrique, Études

Dr. Mady Ibrahim Kanté

Introduction

Il est important de signaler, que les pays d’Afrique du nord, appartenaient à l’empire Ottoman, qui avait régné pendant 500 ans sur trois continents, des portes de Vienne à l’océan indien. Les provinces côtières d’Afrique du Nord étaient intégrées à l’Empire ottoman au début du XVIe siècle. Les relations entre les ports de Méditerranée méridionale et Istanbul sont intenses dès le moment où l’Empire s’affirme davantage sur la scène méditerranéenne. Face à la menace espagnole essentiellement, les élites marchandes d’Afrique du Nord voyaient l’intégration à l’Empire comme à la fois une solution de protection dans le cadre d’une identité musulmane partagée et un débouché économique[1]. Pouvons-nous dire qu’Ankara réfléchit à refaire   l’histoire ? La Turquie dispose de sérieux atouts pour se vendre auprès des pays d’Afrique du Nord. Ainsi que de s’approprier une partie de leur population, en se montrant comme le plus grand leader et défenseur de l’Islam dans monde. Cependant, Ankara est à nouveau en Afrique du Nord au  21 siècles, par presque le même prétexte -de l’Empire ottoman- (Protéger l’identité islamique, par la force militaire et économiques).

Stratégies d’expansion de la Turquie vers l’Afrique du Nord

Depuis plus d’une décennie, Ankara essaie de s’imposer comme un acteur incontournable sur la scène internationale. Depuis le moment où la question de l’entrée de la Turquie à l’UE a été mise en cause, Ankara a commencé à attirer l’attention de l’opinion publique turque, vers l’Afrique et d’autre région du monde, en montrant que sans être membre de l’Union européenne la Turquie peut avoir sa place sur la scène internationale. En effet, dès la demande de la Turquie pour intégrer à l’Union Européenne a été refusée, Ankara a préféré de changer sa politique extérieure, notamment envers le continent africain. Des nouvelles stratégies sont nées, pour établir des mécanismes sur la base économiques, éducationnelle, religieuse, etc., afin de s’imposer sur le continent africain, notamment sur le Nord.

Cependant, Ankara a commencé à se rapprocher des pays maghrébins, comme une porte d’entrée au continent africain. Dès lors, le Nord du continent africain est devenu une cible privilégiée des entreprises turques, soutenues par le gouvernement d’Ankara qui cherche à s’imposer comme un acteur majeur sur la scène internationale, en étendant son influence aux quatre coins de la planète[2].

La Turquie et les printemps arabes en Afrique du Nord

Depuis le temps jadis, les crises politiques et sécuritaires, sont considérées comme des portes ouvertes pour une ingérence étrangère. Cependant, les révolutions arabes de 2011 étaient un facteur important pour les pays qui cherchaient de s’imposer sur le monde arabe, notamment les pays d’Afrique du Nord. Ankara ne pouvait jamais rater cette circonstance. Les gouvernements de la région nord-africaine se sont trouvés en face des populations révoltées, qui acceptent tout soutien. En effet, les organisations sociales comme les Frères Musulmans étaient sur les premiers rangs de ces révolutions dans ces pays arabes, qui ont rapidement eu le soutien turc. Par son soutien financière et logistique, pour les Frères Musulmans, Ankara cherchait à soutenir ses confrères dans différents pays comme la Tunisie, l’Egypte, la Libye, etc., en effet, pour certains pays comme la Libye, la situation s’est dégénérée, le pays dans un chao total. Racep Erdogan, n’a pas hésité d’intervenir militairement pour soutenir ses confrères « les Frères Musulmans » d’une part[3], et d’une autre part, elle s’est positionne contre les soutiens occidentaux pour Khalifa Haftar, aussi contre l’armée nationale libyenne et le parlement élu basé à Tobrouk.

Pour la crise libyenne, Ankara est parti très loin, en signant des  accords de coopération militaire et maritime avec le gouvernement d’accord national (GNA) en décembre 2019, en juillet 2020, etc. Ankara considère cela comme une solution pour le conflit libyen[4], bien que le pays soit toujours dans une situation impasse.

L’accord entre la Turquie et les autorités de Tripoli stipule que le GNA se porte garant des intérêts turcs en Libye. Le vrai sens derrière cette déclaration est que le gouvernement dirigé par Fayez al-Sarraj a officiellement mis les intérêts turcs avant les préoccupations nationales. Le GNA a également autorisé la Turquie à établir des bases militaires sur le territoire libyen.

Cet accord, ouvre des possibilités de l’immunité diplomatique pour le transfert de militants étrangers et de fournitures d’armes en Libye, y compris des munitions interdites par les conventions internationales, en violation de l’embargo sur les armes[5]. Cela, est une menace pour l’Afrique notamment pour le Nord du continent.

Pour conclure, nous pourrions dire, que la Turquie avait le plan d’être membre de l’UE, afin d’établir une économie forte à travers l’Union européenne. Hélas, son projet de l’Europe, n’a pas abouti à un résultat favorable, cependant, une nouvelle stratégie de la politique extérieure d’Ankara, a vu le jour, de se retourner vers les anciens colonisations « Afrique du Nord et le monde arabe ». Certes,  cette nouvelle tendance de la Turquie, a le but de renforcer sa position sur la scène internationale, ainsi que d’avoir le soutien nécessaire pour sa lutte contre l’Europe. A travers une alliance avec les pays de l’Afrique du Nord, considérés comme une zone stratégique pour affronter l’Europe. Cependant, pourrions-nous dire que le comportement de la Turquie en Libye et  dans d’autres pays d’Afrique du Nord, est déjà celui d’une puissance coloniale dans la nouvelle incarnation de la Régence de Tripoli, ancienne colonie de l’Empire ottoman[6].

[1] Nora Lafi, « L’Empire ottoman en Afrique : perspectives d’histoire critique », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, no 128 (1 juillet 2015): 59‑70, https://doi.org/10.4000/chrhc.4505.

[2] « La Turquie à la conquête de l’Afrique », LExpress.fr, 26 janvier 2011, https://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/la-turquie-a-la-conquete-de-l-afrique_1340559.html.

[3] « Aux origines de la crise du Qatar : entre rivalité pour l’hégémonie régionale et enjeux de politique intérieure – Les clés du Moyen-Orient », consulté le 17 août 2019, https://www.lesclesdumoyenorient.com/Aux-origines-de-la-crise-du-Qatar-entre-rivalite-pour-l-hegemonie-regionale-et.html.

[4] « Les EAU veulent nuire à l’image de la Turquie dans l’Afrique du Nord | TRT Français », consulté le 21 février 2021, https://www.trt.net.tr/francais/programmes/2020/08/06/les-eau-veulent-nuire-a-l-image-de-la-turquie-dans-l-afrique-du-nord-1467660.

[5] « La Turquie a-t-elle colonisé la Libye ? », Afrik.com, 8 juillet 2020, https://www.afrik.com/la-turquie-a-t-elle-colonise-la-libye.

[6] « La Turquie a-t-elle colonisé la Libye ? », Afrik.com, 8 juillet 2020, https://www.afrik.com/la-turquie-a-t-elle-colonise-la-libye.

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