Alors que l’Azerbaïdjan lance des « Opérations anti-terroristes » au Haut-Karabakh enclave disputée depuis de longues années avec l’Arménie, l’imminence d’un nettoyage ethnique est bel et bien en cours. Mais on voit bien que le monde regarde ailleurs.
Le 19 septembre 2023, l’Azerbaïdjan a lancé une nouvelle offensive contre l’enclave arménienne du Haut-Karabakh en violation des accords de cessez-le-feu de 2020. Le régime de Bakou invoque des « provocations arméniennes de grande ampleur » justifiant une « opération antiterroriste ». Etant entendu qu’il affame depuis des mois la population de l’enclave en bloquant le corridor de Latchine qui la relie à l’Arménie voisine.
On l’aura compris, « le rapport de force était d’autant plus déséquilibré que l’Arménie a officiellement refusé toute implication», observe Kirill Shamiev, spécialiste de l’espace post-soviétique à l’ECFR. «Il ne restait donc dans la province que les quelques forces du gouvernement du Haut-Karabakh épuisées par neuf mois de blocus»,
Qu’on y songe, avec tout au plus quelques milliers de soldats privés de nourriture, de médicaments ou de carburant, les séparatistes du Haut-Karabakh n’étaient pas en mesure de rivaliser avec l’armée de Bakou. Celle-ci revendique la bagatelle de 64.000 hommes «mieux entraînés et mieux équipés», souligne le chercheur. Elle dispose d’équipements modernes de conception turque, israélienne ou russe
Dans ce contexte, on s’interrogera sur l’origine du conflit :
Ce conflit oppose deux principes de droit international : d’une part, celui de l’intangibilité du territoire, étant que le Karabakh est reconnu comme azerbaidjanais. d’autre part celui du droit à l’autodétermination puisque c’est une province avec une autorité arménienne qui n’est pas reconnue internationalement.
En 1921, lorsque l’Azerbaïdjan et l’Arménie rejoignent l’Union soviétique, le Karabakh est cédé à l’Azerbaïdjan soviétique. Mais sa population, à 94% arménienne, ne l’a jamais reconnu. Ce n’est qu’en 1988 qu’elle réclame à nouveau son rattachement à l’Arménie soviétique. S’en est suivie une guerre, gagnée par les Arméniens du Karabakh. Pour autant le statut de la population du Haut -Karabakh mérite pour l’heure d’être précisé.
Dans cette perspective, l’objectif du Président de l’Azerbaïdjan, Ilham Aliyev est bien d’en finir avec la présence arménienne en Artsakh. . « Le blocus du corridor de Latchine et l’arrêt provisoire des livraisons de gaz visent à pousser les Artsakhiotes au départ, pour réaliser la jonction panturquiste entre l’Azerbaïdjan, son exclave du Nakhitchevan et par extension la Turquie. L’Artsakh est c», martèle Tigrane Yégavian, professeur de relations internationales à l’université Schiller.
Dans ce contexte, le régime de Bakou entend bien profiter du nouveau rapport de force qui leur est avantageux et de l’affaiblissement de la Russie pour forcer l’Arménie à céder ce fameux corridor dans le Sud.
Aujourd’hui, Ankara est cul et chemise avec Bakou quant à la question du corridor de Meghri . Ankara est par ailleurs, favorable à un nettoyage ethnique de l’Artsakh, indique Tigrane Yégavian
Quant au Président Emmanuel Macron, il a conscience que la France ne dispose pas de leviers suffisants pour exercer une pression sur les Russes et les Turcs dont le partenariat est cimenté par le rejet des Occidentaux.
De fait, Paris ressent des frustrations quant au groupe de Minsk, qu’elle coprésidait avec les Russes et les Américains, et quant à son statut en état de mort cérébrale.
« Néanmoins, on soulignera volontiers qu’il a le courage à nommer clairement l’agresseur et l’agressé. À défaut de faire parvenir des armes à l’armée arménienne, il a contribué à l’envoi d’une mission d’observateurs à la frontière. Important mais insuffisant ». Souligne Tigrane Yégavian.
Quoiqu’il en soit, Paris ne veut pas se fâcher avec la Turquie qui nous livre des précieux renseignements dans le dossier antiterroriste et joue l’arme du chantage aux migrants.
Et s’agissant du Vatican, à notre grand regret, il est insensible aux alertes au génocide lancées par l’Institut Lemkin pour la prévention des génocides. « Non seulement l’absence de condamnation par le pape concernant le génocide culturel en cours et le nettoyage ethnique en préparation restera une tache indélébile dans l’amitié séculaire qui lie la nation arménienne à l’Église catholique sœur, mais elle accélère le suicide de l’Occident chrétien », indique Tigrane Yégavian.
Dès lors, l’Arménie ne doit compter avant tout que sur ses propres forces, à savoir sa diaspora et le sens de l’intérêt général. « La diaspora s’était endormie pendant trente ans, bercée par les slogans rassurants des dirigeants d’Arménie et de l’Artsakh qui, à l’évidence, ont manqué de sens politique et de vision stratégique inclusive », précise Tigrane Yégavian
Olivier d’Auzon