La politique sahélienne de l’Algérie sous Tebbounne : entre continuité et rupture

Jan 31, 2021 | Afrique, Les rapports

La politique sahélienne de l’Algérie semble demeurer entre le marteau de la sacralisation du principe de non- ingérence dans les affaires intérieures des autres États et l’enclume de la nécessité de faire face aux bouleversements dans la région menaçant sa sécurité nationale.

Introduction

   La région sahélienne constitue la profondeur méridionale naturelle de l’Algérie, avec ses problèmes politiques et économiques complexes. Elle est devenue depuis la chute du régime libyen et l’intervention française au Mali en 2013 une zone stratégique dans les relations internationales, du fait, entre autres, des enjeux sécuritaires majeurs et des luttes d’intérêts qu’ils s’y jouent pour la convoitise de ses réserves souterraines minérales ou d’hydrocarbures et de la présence massive des organisations terroristes et le trafic de tout genre menaçant la paix mondiale.

Face à ces confrontations diplomatiques, le Président Abdoulmadjid Tebboune accédé à la magistrature suprême en décembre 2019 a voulu redynamiser la diplomatie algérienne en constitutionnalisant la possibilité pour l’armée nationale de participer aux forces de maintien de la paix des Nations Unies et dans le cadre d’accords bilatéraux avec des pays voisins[1]. D’où l’intérêt de savoir à quel point ce changement pourrait renforcer son influence au Sahel ?

 

Le positionnent algérien dans cette arène régionale s’est toujours focalisé sur les acteurs étatiques et non-étatiques (groupes armés, identités culturelles), dans un but sécuritaire et à visée hégémonique. Au-delà des liens entre Algérie et les Etats sahéliens, d’ordres géographique, historique et socio-culturel, Alger a des intérêts politiques, économiques et secrétaires à préserver.

Pour y parvenir, elle avait non seulement établi des relations bilatérales assez fortes dans tous les domaines avec chacun de pays de la région depuis l’indépendances, mais elles ont été aussi consolidées par la création de commissions mixtes gouvernementales[2] et techniques spécialisées avec certains pays comme le Mali[3].

Cette politique a été renforcée en 2011 par une mise en place du Comité d’État-major Opérationnel conjoint (CEMOC) ainsi que  l’Unité de fusion et de liaison (UFL)[4] entre l’Algérie , le Mali, le Niger et la Mauritanie afin de renforcer leurs capacités  par l’équipement en armement, l’entrainement et l’échange de renseignements[5]. Elle coopère également avec ses voisins sahéliens dans le cadre des organisations africaines, islamiques et onusiennes.

Ce positionnement est consolidé par sa contribution de la gestion des rebellions Touarègues successifs tant au Niger et qu’au Mali. Même si avec ce dernier qu’elle a été toujours très brillante, puisque l’Algérie n’acceptera jamais une remise en cause de l’intégrité territoriale du Mali conformément au principe de l’intangibilité des frontières [6]et par de la contagion sur son sol.

Malgré ces multiples canaux et mécanismes, les contraintes internes liées à la légitimité des régimes successifs en Algérie, à la sacralisation des principes fondateurs de sa politique étrangère ont toujours impacté négativement sa politique sahélienne à tel point de créer la méfiance avec certains Etats africains accusant les renseignements algériens ne pas jouer un franc jeu dans la lutte contre le terrorisme[7]. En plus de cela, la création d’un mécanisme sécuritaire au niveau de la région du Sahel dénommé G5 sans l’Algérie est perçue par la dernière comme  une tentative de soustraire ces pays de son influence traditionnelle[8].

Pour faire face à ce qui précède, les nouvelles autorités conduites par le président Tebboune tente de redynamiser la diplomatie algérienne via des réformes constitutionnelles et institutionnelles autorisant l’intervention militaire dans la région[9]. Même s’il y’a eu déjà des interventions militaires hors des frontières avec le Mali, la Libye et la Tunisie[10].  Il a d’ailleurs réussi à replacer l’Algérie dans la gestion de la crise libyenne déstabilisant le sahel à travers sa participation aux négociations lors de la Conférence internationale de Berlin[11]. Il a également intensifié sa diplomatie à l’égard du Sahel, en envoyant deux fois, son ministre des affaires étrangères pour rencontrer les autorités de transition maliennes afin de soutenir la stabilité au Mali et s’assurer de l’application de l’Accord d’Alger [12].

C’est dans cette lancée que l’Agence algérienne de coopération internationale pour la solidarité et le développement (ALDEC) a été créé et dédié au renforcement de la coopération entre l’Algérie et ses voisins, notamment ceux de la région du Sahel[13], des discussions ont été engagés entre l’Algérie et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) au sujet des possibilités de coopération sur les plans économique et commerciaux mais également sécuritaire et politique[14].

Conclusion :

Même si la levée de blocus d’intervenir hors des frontières exprime la volonté algérienne de s’adapter aux réalités de son environnement, les obstacles demeurent intacts tel que les problèmes politiques et économiques internes, aggravés par la maladie de coronavirus dont le président Tebboune n’a pas encore guéri. Le changement des régimes en cours au Mali et au Niger et le renforcement de la position française et partenaires au Sahel via le G5 sahel ne jouent pas en faveur d’un régime algérien dont la légitimité politique demeure contestée. Sans oublier les nouvelles tensions avec le Maroc autour du dossier de Sahara occidental impactant habituellement les relations régionales de l’Algérie.

[1]Projet de la nouvelle Constitution: Un article autorise l’intervention de l’armée algérienne à l’étranger – Maghreb Emergent

[2] Belkacem « les défis et enjeux sécuritaires dans l’espace sahélo-saharien » Friedrich-Ebert-Stiftung, Paix et Sécurité Centre de Compétence Afrique Subsaharienne, 2017 P.17

[3] Présentation des relations algéro-maliennes | Ambassade d’Algérie à Bamako (dzembassy-mali.com)

[4]   I. Belkacem, op.cit, P.13.

[5] Idem

[6] I. Belkacem, op.cit. p.15.

[7] Mohamed ag Ismail, politique étrangère de l’Algérie à l’égard de l’Afrique depuis la fin de la guerre froide, mémoire Master (Caire : Institut des Recherches et Etudes Africaines, université du Caire, 2015), pp. 112-113

[8] I. Belkacem, op.cit, 18.

[9] Intervention de l’ANP à l’étranger : ce que prévoit la nouvelle constitution – Algerie360

[10]  D. Jean-François « la politique étrangère de l’Algérie : le temps de l’aventure ? » politique étrangère (Institut français des relations internationales, numéro 3 Automne, 2015), P.41

[11]Algérie : Retour de la diplomatie algérienne, cheval de bataille du président Tebboune – Maghreb online (moroccomail.fr)

[12] L’Algérie préoccupée par la transition et la situation sécuritaire au Mali (rfi.fr)

[13] Création d’une agence algérienne de coopération internationale « à vocation africaine » | Radio Algérienne (radioalgerie.dz)

[14] idem.

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