Ingérence russe au Kazakhstan, le spectre de la guerre froide ravivé

Jan 25, 2022 | Les rapports

La hausse des prix du carburant et à la forte inflation due à la pandémie de Coronavirus ont déclenché au Kazakhstan des manifestations massives qui se sont transformées en émeutes et en une tentative de prise d’assaut des bâtiments gouvernementaux mais aussi de l’aéroport. Les manifestants ont incendié des voitures de police, faisant des centaines de morts et de blessés.
Suite de quoi, le ministère allemand des Affaires étrangères a annoncé qu’il suivait avec préoccupation l’évolution de la situation dans ce pays. Les émeutes violentes ne sont pas un moyen acceptable pour les débats politiques, a-t-il déclaré ajoutant que l’utilisation de la violence contre les civils, « notamment l’intervention des militaires », doit être le dernier recours pour les autorités. Le MAE allemand a estimé qu’une solution pacifique devait être trouvée dans le cadre d’un dialogue global avec toutes les parties concernées ».
Quant au chef de la politique extérieur de l’Union européenne (UE), Josep Borrell, qui a exprimé sa « profonde inquiétude » face aux émeutes qui y règnent, a souligné que « les droits et la sécurité des civils doivent être garantis ». Josep Borrell a affiché sa préoccupation du fait qu’une aide militaire étrangère rétablirait des situations qu’il faudrait éviter », suite aux l’envoie de « Forces de maintien de la paix» par la Russie et ses alliés de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC). « L’Union européenne est prête à apporter son soutien pour surmonter cette crise », a-t-il assuré.
Les inquiétudes de l’UE quant à la crise kazakhe sont justifiées par plusieurs facteurs qui dessinent des scénarios pour ce pays. En voici les facteurs qui suscitent les inquiétudes des Occidentaux :

En matière des droits de l’homme

En effet, la crise n’a pas atteint des stades de danger qui placent un pays comme le Kazakhstan parmi des pays susceptibles de s’effondrer. L’inquiétude européenne n’est encore qu’une sorte de mise en garde contre qui intervient suite au constat de la nécessité de respecter droits de l’homme. Il s’agit également de l’inquiétude quant aux possibilités d’atteinte aux droits de l’homme et de l’usage de la violence contre les civils, d’autant plus que le Kazakhstan est classé par les organisations américaines concernées par les libertés et les droits de l’homme comme pays non démocratique qui n’accorde pas suffisamment d’intérêt aux droits de l’homme. Preuve en est, il n’a pas été convié à participer au sommet du président Biden sur la démocratie qui a eu lieu en décembre 2021.
Le bilan des morts au Kazakhstan pourrait justifier ce classement, car le nombre de civils tués lors des événements récents est passé à 164, et aucun nouveau bilan n’a encore été publié sur le nombre de morts du parmi les civils, outre l’arrestation d’au moins six mille détenus civils. La valeur des dommages matériels résultant de ces émeutes a été initialement estimée à environ 175 millions d’euros. Le nombre de personnes tuées parmi les forces de sécurité était d’environ 18 hommes de sécurité, en sus de dizaines de blessés.

S’agissant des interventions extérieures

Ce qui s’est passé est surprenant pour le pouvoir en place et les observateurs. Les autorités ont été surprises par l’ampleur des manifestations, la capacité à s’organiser, l’audace des manifestants et leur violence. Ils ont pris d’assaut les postes de police officiels et tenté d’entrer au palais présidentiel. Nombre d’agents de sécurité kazakhs ont rejoint les rangs des manifestants. Tout se passe comme s’ils étaient destinés à une révolution qui pourrait renverser le régime en place.
Bien qu’il soit considéré comme un régime autocratique répressif, la chute de ce dernier peut entraîner des conséquences majeures. La chute du régime peut transformer un Etat stable en Etat en faillite.

L’accélération des événements dans le pays et les niveaux élevés inattendus d’inquiétudes ont incité les autorités à demander le soutien des forces de maintien de la paix de la Russie qui a répondu présent sans pour autant révéler le nombre de ces forces ni préciser leur rôle. Des médias russes ont rapporté, citant le Secrétariat de l’Organisation du Traité de sécurité collective, que l’effectif total de ces forces s’élevait à environ 2.500 personnes et qu’elles auraient le droit d’utiliser des armes en cas d’attaque par ce que les Russes appellent les « gangs armés ».
« Une leçon de l’Histoire récente consiste qu’une fois que les Russes sont chez vous, il est parfois très difficile de les faire sortir», indique le secrétaire d’État américain Antony Blinken lors d’une conférence de presse à Washington le 7 janvier. Cela rappelle le modèle syrien lorsque la Russie y intervenait.
Washington s’est interrogé sur la capacité des autorités et du gouvernement à faire face aux protestations et à les gérer de manière appropriée dans le respect des droits de l’homme sans l’aide des Russes ou de tout autre pays, et pourquoi ce sentiment de besoin d’aide étrangère ?!

Une intervention, qui ressurgie le spectre des paradigmes de la guerre froide

Certains rapports émanant du Kazakhstan font état d’une « révolution de couleur » a été concocté dans ce pays asiatique. De nombreux sites d’information prorusses ont diffusé des vidéos documentant ce qu’ils disent que les manifestants auraient obtenu des armes et des voitures suspectes, indiquant que ces manifestations sont semblables aux révolutions de couleur, organisées par des pays qui tentent de saper la sécurité de la région. Dans ce contexte, la Chine a soutenu que les États-Unis étaient les premiers bénéficiaires de ces événements
et du renversement du régime afin qu’ils atteignent plusieurs objectifs stratégiques, citant l’atteinte à la sécurité nationale russe et l’entrave du projet de la route de la soie chinoise, dont le Kazakhstan fait partie intégrante en raison de sa proximité géographique avec la Chine et la Russie.
Avec la résurrection du spectre du paradigme de la guerre froide, le Kazakhstan est considéré comme un pays précieux dans la lutte géopolitique entre la Russie et l’Occident, en particulier pour les États-Unis. Dans le cas où le pays serait contrôlé par des forces libérales pro-occidentaux, cela permettrait de maintenir l’ensemble de l’Asie centrale sous contrôle occidental.
Pour plusieurs observateurs, Moscou répond à l’appel du « traité de sécurité collective » à la demande du président kazakh d’envoyer des forces pour le maintien de la paix et la stabilité dans son pays, pour aider son gouvernement à se débarrasser des « terroristes », en plus de s’assurer que l’influence occidentale ne s’étend pas dans ce pays. En outre, l’élite actuelle au Kazakhstan a pour la plupart étudié dans des universités occidentales. Ainsi, des observateurs des questions kazakhes constatent la présence de nombreux « agents d’influence » qui cherchent à œuvrer à l’intégration multiforme avec l’Occident, au détriment des relations avec Moscou. Le Département d’Etat américain a demandé en outre une aide de 10,7 millions de dollars au profit du Kazakhstan pour l’exercice 2022. Cette aide vise à promouvoir les droits de l’homme et les valeurs démocratiques en soutenant l’État de droit, en favorisant le développement des médias locaux et en renforçant les capacités des organisations de la société civile.

Share This