Guerre en Ukraine: Facteurs de désescalade, répercussions d’une guerre à grande échelle

Mar 10, 2022 | Études, Les rapports

L’escalade de la tension de la crise ukrainienne suscite l’inquiétude de l’Europe et du monde entier quant à la possibilité d’une guerre à grande échelle au-delà de l’Ukraine, qui s’est trouvée sous l’emprise des forces russes. En effet, la carte des intérêts relie les Etats, les uns aux autres, et d’autant plus que les domaines vitaux des peuples sont devenus différents de l’ère de la guerre froide d’où la difficulté pour ces pays de s’aligner les uns avec les autres.

Cette crise a fait ressurgir, pour les observateurs et les réflexions stratégiques, la nécessité d’appliquer les théories probabilistes pour anticiper les scenarios de la crise.

Il ne s’agit pas cette fois-ci d’une guerre par procuration. C’est la première fois, après le développement du système de dissuasion nucléaire, qu’un État disposant d’armes supernucléaires menace par ses armes et franchit des pas d’un scénario d’escalade avec un État voisin directement dans le but de l’occuper.

En tout état de cause, plusieurs éléments et facteurs importants demeurent nécessaires pour faire une analyse de cette crise.

I- Facteurs de la crise et déterminants de sa complexité

• Déterminants de la sécurité nationale de la Russie : s’agissant des questions de la souveraineté, des frontières et des ressources, la Russie ne permettra pas à l’Ukraine de faire partie de l’OTAN et d’agir comme un pays voisin qui menace sa supériorité en matière de missiles nucléaires, à travers le déploiement par l’OTAN de ses systèmes de missiles dans ce pays.
Du point de vue du Kremlin, il s’agit d’une atteinte à la sécurité nationale, et c’est trop dangereux et ne peut pas être accepté.

• Dimension géopolitique : L’Ukraine est un très grand pays, avec une superficie de plus de 600 000 kilomètres carrés, qui a toujours été considéré comme la limite de l’Est européen et la fin de l’Ouest du continent. L’importance stratégique de l’Ukraine s’est accrue après l’effondrement du bloc de l’Est, du pacte de Varsovie, puis de l’Union soviétique, lors des événements de 1989-1991 où la guerre froide a pris fin. Lorsque l’Ukraine a déclaré son indépendance en 1991, la Russie n’était nullement en mesure de contester cette indépendance, mais l’Ukraine vaut beaucoup pour la Russie, voire même le nationalisme russe. Kiev et ses environs sont le berceau des Russes et non Moscou. , Aussi, l’Ukraine du Xe siècle de notre ère est le berceau de l’orthodoxie russe.

• Dimension historique : il s’agit de la relation historique circulaire et la tension entre l’Ukraine et la Russie, ainsi que les relations historiques de la Russie avec l’Occident, depuis les guerres tsaristes jusqu’à la guerre froide à l’ère de l’Union soviétique.

• Dimension psychologique : c’est un conflit de valeurs entre l’Est et l’Ouest et la méfiance et l’appréhension qui en résultent.

• Dimension historico-psychologique : C’est un mélange entre l’histoire mouvementée entre les parties en conflit et la psychologie collective qui en est née et qui continue à nourrir la vision que les parties ont de l’autre, souvent basée sur des stéréotypes.

II- Facteurs inhérents à la crise limitant l’expansion de l’escalade vers d’autres pays européens

• L’approvisionnement en énergie jouera un rôle décisif dans la sécurité de la région. La carte de l’énergie pourrait être écartée de cette crise soit elle sera une arme dans les mains de la Russie pour contrôler l’approvisionnement énergétique du monde.

Cela posera un défi énergétique urgent à court terme, et accélère les plans de l’Europe vers l’adoption des énergies alternatives à travers des projets d’énergies renouvelables (solaires ou d’hydrogène vert). A cet égard, une reprise les pourparlers entamés entre l’Allemagne et le Maroc, il y a deux ans, et trébuchés en raison de la crise des relations entre les deux pays l’an dernier, avant de revenir à un accord avec le gouvernement du chancelier Olaf Scholz, est envisageable. Ce projet devra être en tête de l’agenda des futures discussions entre Berlin et Rabat.

• La position géographique stratégique des parties à la crise, les complexités de l’imbrication et la nécessité pour toutes les parties de se déplacer d’est en ouest et vice versa par voie aérienne, maritime et terrestre figurent aussi parmi ces facteurs. Cela signifie qu’une partie pourrait les sécuriser par l’un des belligérants, ou les neutraliser ou lutter pour les sécuriser.

Il est vrai qu’il est probable que les choses n’iront pas jusqu’à une guerre mondiale, mais si cela se produit, ses répercussions seront plus graves que les deux guerres mondiales précédentes. La gravité de ce scénario découle de la multiplicité de ses partis et du poids des pays participants et l’arsenal d’armes dont dispose la plupart d’entre eux. Il s’agira, dans ce cas, de la Première Guerre mondiale qui éclatera entre les pays, dont la plupart possèdent une énorme quantité d’armes nucléaires et biologiques et de missiles intercontinentaux. A cela s’ajoute le facteur de mondialisation, où de nombreuses relations lient les Etats outre les accords et traités internationaux dans divers domaines, de l’économie à l’environnement et au climat en passant par les océans et l’espace extra-atmosphérique et la réglementation du cyberespace, etc.

• L’arme nucléaire et son rôle dans l’escalade de la guerre : Les grandes puissances essaient toujours de ne pas s’immiscer directement dans les conflits, et poussent leurs relais vers ces conflits, afin d’assurer leur sécurité, et de ne pas utiliser les armes nucléaires qui constituent la dernière solution à laquelle ces puissances peuvent recourir pour traiter leurs problèmes, d’autant plus qu’elles ne détruit pas des cibles précises, mais affectent plutôt des régions entières. Donc, la plupart des parties ne veulent pas la guerre.

III- Répercussions de l’invasion de l’Ukraine, une guerre à grande échelle est-elle possible ?

La conjoncture est le premier facteur qui a contribué d’une manière ou d’une autre aux mesures réelles prises par la Russie pour occuper et contrôler complètement l’Ukraine, en l’occurrence le scénario de la guerre actuelle. Toutefois, une guerre au-delà de l’Ukraine n’est pas encore envisageable. Dans le cas contraire, une guerre à grande échelle sera la plus difficile et la plus destructrice d’autant plus que le véritable défi n’est pas de prendre contrôle de Kiev, mais plutôt d’y établir un nouveau régime pro-russe. C’est le scénario catastrophique que l’Europe redoute. C’est pourquoi l’OTAN œuvrera à se déplacer et à masser ses forces intensivement autour de l’Ukraine et du reste des frontières de l’Europe de l’Est avec la Russie.
Ce qui se passe n’est pas une crise traditionnelle. Le monde est au bord de d’une catastrophe, car les conséquences de l’occupation de l’Ukraine vont changer la nature de la géopolitique et les alignements, outre un prix que chaque partie sera prête à payer en échange de son nouveau rôle.

La guerre en Ukraine va cesser militairement au profit de la Russie car elle a deux atouts, à savoir : l’arme nucléaire et le veto au Conseil de sécurité. Mais une guerre cyber-économique mondiale va se poursuivre et touchera tous les pays du monde et établira un nouvel ordre mondial dans lequel un état de tension et d’instabilité prévaudra et des guerres civiles éclateront dans plus d’un pays et régions du monde. La Chine sera le plus grand gagnant de ce nouvel ordre alors que l’Europe sera le plus grand perdant.

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