G5-Sahel : quel avenir après l’annonce de la France d’ajuster sa présence militaire ?

Mar 6, 2021 | Afrique, Extrémisme, France, Les rapports

                                                                                               Ousmane KEITA, Doctorant à l’Institut de Pédagogie Universitaire (IPU)

Une année après la rencontre entre la France et les pays du Sahel à Pau sur l’invitation du Président Emmanuel Macron, le 16 février 2021 les mêmes acteurs se réunissaient au Tchad, précisément à N’Djamena, en visioconférence. La conférence était élargie aux partenaires, comme le Conseil européen, représenté par son président Charles Michel. Le sommet de Pau se déroulait au moment où les terroristes multipliaient des attaques, mais aussi la montée en puissance des mouvement anti-français dans les pays du Sahel. On a assisté à des incidences diplomatiques entre la France et certains pays du Sahel sur la question de présence militaire de l’ex-métropole, comme le cas de l’Ambassadeur du Mali en France Toumani Djimé Diallo[i], devant les Sénateurs. Pour le Président français, Pau[ii] voulait donner l’occasion aux partenaires du Sahel de préciser leur position vis à vis de  la France, d’obtenir la reformulation de la demande de présence militaire de son pays, enfin de légitimé auprès de l’option publique française. Le sommet se conclut sur le renforcement militaire dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, avec l’envoie de 600 militaires français supplémentaires, ce qui a complété l’effectif à 5100 hommes. Alors que, N’Djamena servait un lieu pour faire le bilan de Pau. Même, si les acteurs saluaient les efforts militaires, après l’annonce de la France, d’ajuster militairement pour laisser la place aux forces nationales et la mission internationale « Takuba »[iii], il faut signaler que ce sommet était organisé dans le même contexte que celui de Pau. On remarque, toujours le sentiment anti-français et les attaques contre les militaires, notamment étrangers, la mort de 13 soldats français[iv] illustre ces faits. En regardant les conclusions de deux sommets, il y a un manque de cohérence dans la lutte contre le terroriste par la France, qui pense laisser la main aux forces nationales, alors que, leurs capacités techniques et logistiques font défaut. On s’interroge alors, si la France ne montre pas ses limites dans cette guerre contre les terroristes, alors qu’elle s’oppose au dialogue avec les acteurs de ce phénomène.

Quel sera l’avenir sécuritaire des pays du Sahel après l’ajustement militaire de la France ?

L’engagement militaire au Sahel contre les terroristes :

La France a débuté son opération militaire au Sahel, à partir de son intervention au Mali en janvier 2013 contre la progression djihadistes vers le sud.

Parallèlement, la force française, la mission intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) prend le relais de la force panafricaine de La Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africains (MISMA)[v].

Après une défaite de l’armée malienne à Kidal face aux rebelles Touaregs et arabes, qui reprenaient le contrôle de la ville. La mission militaire française prenait une autre forme en changeant le nom vers Barkhane, et la dimension devient régionale. Le contingent en disposait de 3000 soldats français au Sahel. Cet effectif passe à 5100 lors du sommet à Pau entre la France et les pays du Sahel. Malgré, l’établissement d’une force conjointe des pays du Sahel (force conjointe du G5) et la présence militaire des partenaires étrangers, le Sahel reste une zone de l’insécurité. Les attaques des terroristes continuent de cibler les civils et les positions militaires des armées nationales du Mali, du Niger et du Burkina Faso, mais aussi les forces internationales (la Barkhane et la MINUSMA)[vi]. La présence militaire étrangère se focalise sur la lutte contre les terroristes, en oubliant les autres organisations irrégulières maliennes, criminelles ou séparatistes, qui menacent autant la stabilité du pays que les djihadistes[vii].

Cependant, il faut signaler l’incohérence dans la coordination entre les armées nationales et les forces étrangères. Les actions des djihadistes sont généralement orientées aux pays du Sahel dont leurs contingents sont présents dans la mission internationale au Mali, comme le Burkina qui a plus de 1700 soldats dans la MINUSMA, alors que ce pays connaît des attaques meurtrières.  Quant aux forces maliennes, malgré la mission de formation de l’European Union Training Mission (EUTM-Mali)[viii], elles ont très peu évolué et en réalité moins vite que les djihadistes.

L’échec de recours militaire contre les terroristes :

Pour Aly Tounkara, spécialiste de politique islamique, « on ne peut pas rester dans des salons climatisés à Paris ou Washington et mettre tout une liste de pays sur ce qu’on pourrait qualifier de carte rouge. Et en  même temps, brandir les succès militaires remportés dans lesdits pays. Donc, vous comprendrez aisément combien le Quai d’Orsay se trouve au cœur même de la contradiction »[ix]. La politique de lutte contre le terrorisme par les grandes puissances dans le Sahel reste à désirer. On constate un écart entre la réalité sur le terrain et le discours des dirigeants. Le sommet de N’Djamena est une illustration, l’intention d’une possible retrait français suite à la pression de l’opinion publique par rapport à l’engagement militaire dans la lutte contre le terrorisme au Sahel.

Paris juge que trop peu a encore été fait par ses partenaires sahéliens sur le front politique, par exemple au Mali pour appliquer un accord de paix signé avec l’ex-rébellion du Nord, ou pour faire revenir les institutions et les médecins dans les localités qu’ils ont désertées[x].

Pour Idriss Deby Itno, « la situation socio-économique de nos pays n’est pas très reluisante, c’est pourquoi nous lançons un appel pressant à tous nos partenaires afin de nous apporter les ressources additionnelles qu’ils ont promises pour nous permettre de réaliser nos programmes de développement », il évoque également la « piste de l’annulation de la dette »[xi]. C’est dire que la lutte contre le terrorisme ne se gagne pas sans la combinaison des efforts militaires, politiques.

Conclusion : malgré beaucoup d’efforts consentis par les pays du Sahel et ses partenaires dans la lutte de l’armée contre l’instabilité  au Sahel, il est aussi nécessaire de joindre l’aspect politique et du développement. L’un des points du sommet de N’Djamena était axé sur la question de la politique nationale et le développement des pays du Sahel. Donc si le sommet de Pau était centré sur le renforcement militaire, à N’Djamena il était plus diplomatique (politique et développement)[xii].

[i] https://www.youtube.com/watch?v=hhaoFOMVEaA

[ii] https://www.bbc.com/afrique/region-51087930

[iii] https://www.france24.com/fr/afrique/20210205-les-soldats-suédois-rejoignent-la-force-européenne-takuba-au-mali

[iv] https://www.ouest-france.fr/monde/mali/mort-de-13-soldats-francais-au-mali-l-etat-islamique-se-vante-d-avoir-provoque-la-collision-6630067

[v] https://information.tv5monde.com/afrique/serval-barkhane-retour-sur-huit-ans-d-engagement-militaire-francais-au-sahel-396451

[vi] https://www.youtube.com/watch?v=hhaoFOMVEaA

[vii] https://www.institutmontaigne.org/blog/barkhane-une-analyse-de-lengagement-militaire-francais-au-sahel

[viii] https://eutmmali.eu/fr/

[ix] https://www.dw.com/fr/cest-léchec-même-de-la-politique-française/a-54605620

[x] https://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/lutte-antijihadiste-cinq-pays-du-sahel-et-la-france-en-sommet_2144909.html

[xi] https://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/lutte-antijihadiste-cinq-pays-du-sahel-et-la-france-en-sommet_2144909.html

[xii] Un an après Pau et le temps du « sursaut militaire », doit venir à N’Djamena celui du « sursaut diplomatique, politique et du développement », avait avancé le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian avant le sommet

 

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