Les relations entre le Mali et l’Algérie connaissent une escalade sans précédent depuis 2023, en raison d’une méfiance croissante et d’échanges d’accusations, jusqu’à l’incident du drone abattu par les défenses aériennes algériennes début avril 2025.
La crise, déclenchée par des accusations mutuelles de violation de l’espace aérien et de soutien aux groupes armés, menace de déstabiliser davantage la région du Sahel déjà fragile, soulevant des questions sur les perspectives de réduction des tensions et de rétablissement des relations entre les deux voisins.
Algérie et Mali : L’incident de “Tin Zaouatine” – Étincelle d’une explosion diplomatique
Selon “Deutsche Welle”, le lundi 14 avril 2025, dans la région de “Tin Zaouatine”, située dans le nord-est du Mali à la frontière algérienne, un nouvel épisode de crise entre les deux pays a éclaté dans la nuit du 31 mars 2025. Un drone turc de type Bayraktar “Akinci”, appartenant à l’armée malienne, s’est écrasé, et des vidéos diffusées montrent les débris en flammes du drone tombant sur un terrain inhabité.
Plus tard, les forces armées algériennes ont déclaré qu’une unité de défense aérienne avait abattu un drone de reconnaissance armé ayant pénétré son espace aérien, mais Bamako a rapidement rejeté cette version, affirmant que l’avion s’était écrasé à 10 kilomètres à l’intérieur du territoire malien. Cet incident, inédit, a conduit à une grave tension diplomatique, et bien que les deux parties aient cherché à éviter une escalade militaire, leurs démarches diplomatiques n’ont pas apaisé la situation.
Retrait des ambassadeurs et fermeture de l’espace aérien
Le lendemain, des manifestations ont eu lieu devant l’ambassade d’Algérie à Bamako, en protestation contre ce qui a été perçu comme “une violation de la souveraineté malienne”, et le gouvernement militaire malien, en coordination avec ses alliés le Burkina Faso et le Niger, a rappelé ses ambassadeurs d’Algérie, qui a répondu de manière similaire. De plus, l’espace aérien a été fermé entre les deux pays.
Bien que la position du Burkina Faso ait été attendue, la décision du Niger de rappeler son ambassadeur a été une surprise. Olof Lessing, directeur du programme Sahel à la Fondation “Konrad Adenauer”, a déclaré que cette décision du Niger était difficile à comprendre, car “les relations entre Niamey et Alger s’étaient récemment améliorées”, soulignant la signature par la société algérienne “Sonatrach” d’un important contrat économique avec le Niger.
Accusations mutuelles entre l’Algérie et le Mali
Les tensions ont atteint leur paroxysme avec l’accusation du ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, qui a accusé l’Algérie de soutenir le terrorisme. Selon “Deutsche Welle”, il a déclaré que “la destruction du drone constitue un acte hostile envers tous les membres du G5 Sahel (AES) et vise à déstabiliser la région”.
L’Algérie a rejeté ces accusations, les qualifiant de “tentative de détourner l’attention des problèmes internes”, ajoutant dans un communiqué officiel que “la junte malienne” cherchait à rejeter la responsabilité de ses échecs sur l’Algérie.
Le ministère algérien de la Défense a affirmé que les données radar prouvaient que le drone avait pénétré l’espace aérien algérien de 1,6 km, qualifiant l’incident de “manœuvre hostile”, tandis que le Mali a de nouveau nié ces affirmations et a accusé l’Algérie de soutenir les groupes armés.
Une crise qui dure depuis 2023
Les relations entre le Mali et l’Algérie ont traversé plusieurs crises depuis l’indépendance des deux pays vis-à-vis de la France dans les années 1960, mais la crise actuelle est la plus grave depuis des années. Après la médiation algérienne pour la signature de l’Accord d’Alger en 2015 entre le gouvernement malien et les rebelles du nord, les relations ont progressivement refroidi, avec une intensification des tensions sécuritaires au nord du Mali et le retour des combats, sans oublier la participation des mercenaires russes du groupe “Wagner” aux côtés de l’armée malienne.
Fin 2023, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a reçu l’imam malien influent Mahmoud Dicko, qui jouit d’une large popularité au Mali, ce qui a été perçu par le gouvernement militaire de Bamako comme “une provocation directe”. Dans un développement ultérieur, le Mali a officiellement annulé l’“Accord d’Alger”, provoquant des déclarations virulentes de la part de l’Algérie, ce qui a conduit à une détérioration sans précédent des relations.
Inquiétudes régionales et risques d’escalade
L’escalade des tensions entre les deux pays a suscité des inquiétudes parmi les parties régionales et internationales, et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a appelé les deux parties à “désescalader la situation, à recourir au dialogue et aux mécanismes régionaux pour résoudre le conflit”. Il est à noter que le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont suspendu leur adhésion au groupe après les coups d’État survenus dans ces pays.
Malgré les déclarations enflammées, il ne semble pas que l’un ou l’autre des parties souhaite déclencher un affrontement direct, mais en l’absence de canaux de communication efficaces et avec la persistance du discours de confrontation, les risques d’aggravation de la crise demeurent, à moins qu’un véritable effort politique ne soit fait pour ramener les relations sur une voie diplomatique.