Conflit Serbie-Kosovo : causes et repercussions sécuritaires

Jan 25, 2023 | Les rapports

Après plus de deux décennies de la guerre menée par l’OTAN pour mettre fin au nettoyage ethnique au Kosovo, les Balkans sont de nouveau au bord de la guerre.

Les tensions croissantes entre le gouvernement du Kosovo et la minorité ethnique serbe du pays ont augurent d’une reprise des combats qui pourraient impliquer la Serbie voisine et mettre en péril les 3 700 soldats de l’OTAN toujours stationnés au Kosovo.

Montée des divergences entre la Serbie et le Kosovo

Le 31 octobre 2022, le Parlement kosovar a adopté une loi interdisant l’utilisation de plaques d’immatriculation étrangères pour les véhicules, obligeant tous les résidents à porter des plaques d’immatriculation approuvées par le gouvernement de Pristina, et a fixé la date limite au 21 novembre 2022 pour mettre en œuvre la décision.

Les responsables serbes ont présenté des démissions massives de toutes les fonctions publiques, tandis que les policiers serbes ont déclaré la désobéissance civile et ont enlevé leurs uniformes. Cela a été suivi par des protestations et la fermeture de routes principales.

Quatorze ans après la déclaration de l’indépendance de Kosovo de la Serbie, environ 50.000 Serbes vivent toujours dans le nord du pays et utilisent des plaques d’immatriculation et des documents serbes, refusant de reconnaître les institutions de la capitale, Pristina. Plus d’une centaine de pays, sans compter la Serbie et la Russie, reconnaissent le Kosovo comme un État indépendant.

Le gouvernement du Kosovo a décidé qu’à partir du 1er août, tous les citoyens de Serbie doivent également obtenir un document supplémentaire à la frontière pour obtenir l’autorisation d’entrer. Les tensions restent vives entre les deux pays et la mission de l’OTAN composée de 3 770 hommes, sur le terrain, maintient une paix fragile au Kosovo. La source principale de la tension entre les deux pays réside dans les revendications des nationalistes serbes influencés par la politique étrangère de Belgrade de considérer le Kosovo comme une patrie des Serbes.

Le Royaume de Serbie avait été détruit au Moyen Âge lors d’une bataille en 1389 sous le règne du sultan ottoman Murad I. Dans la Seconde Yougoslavie, fondée par Josip Broz Tito en 1946, le Kosovo était une région autonome sous la Serbie, et en 1989, le président de l’État fédéral de Serbie, Slobodan Milošević, a mis fin au statut d’autonomie du Kosovo et de la Voïvodine. Des années plus tard, les négociations d’adhésion entre la Serbie et l’UE ont commencé en 2014, mais la Serbie n’a pas cédé ses revendications sur le Kosovo.

Serbie-Kosovo : un nouveau front entre la Russie et l’Occident

Les États-Unis et l’Union européenne ont appelé à « désamorcer les tensions » dans le nord du Kosovo, qui connaît des tensions à la frontière avec la Serbie.

« Nous appelons tout le monde à faire preuve du maximum de retenue et à prendre des mesures immédiates pour une désescalade sans condition de la situation », ont déclaré le 28 décembre 2022, un porte-parole du département d’État américain et une porte-parole de l’Union européenne dans un communiqué commun.

La Russie «soutient» la Serbie dans ses actions visant à mettre fin aux tensions au Kosovo où ont eu lieu des tirs et des explosions et où des barrages routiers ont été érigés, a indiqué mercredi 28 décembre le Kremlin.

«Nous avons des relations très étroites d’alliés, historiques et spirituelles avec la Serbie», a déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, en précisant que la Russie suivait «très attentivement ce qui se passe (au Kosovo, ndlr) et comment les droits des Serbes (y) sont assurés». «Et, bien sûr, nous soutenons Belgrade dans les actions qu’il entreprend», a-t-il souligné.

Certains observateurs lient les tensions actuelles dans le nord du Kosovo à la guerre russe en Ukraine. De nombreux analystes occidentaux disent que la Russie peut avoir une part dans ce qui se passe, et qu’elle cherche à ouvrir un deuxième front contre l’Occident dans le côté faible de l’Europe, (les Balkans). Par ailleurs, d’autres estiment qu’il s’agit d’une tentative de l’Europe d’ouvrir un nouveau front contre la Russie entre le Kosovo et la Serbie.

Mais dans les circonstances actuelles, où l’armée russe et d’autres ressources sont mobilisées dans l’opération spéciale en Ukraine, cela est, selon presque tous les experts, pratiquement impossible.

Retombées sécuritaires pour les Balkans et l’UE

La guerre des mots entre Pristina et Belgrade s’est intensifiée ces dernières semaines outre quelques actions violentes avec des armes, faisant craindre en Europe que la situation ne se détériore. Le président serbe Aleksandar Vucic a déclaré en décembre 2022 que son pays ferait tout ce qui est en son pouvoir pour assurer la paix, soulignant, toutefois, que l’armée était prête à protéger la minorité serbe du Kosovo.

Kurti a accusé le régime Vucic de financer ce qu’il a décrit comme des gangs criminels dans le nord du Kosovo et de chercher la guerre. Il a mis en garde que l’envoi de troupes serbes dans son pays serait un acte d’agression et une indication de la quête de Belgrade pour déstabiliser la région.

L’UE a exhorté la Serbie et le Kosovo à engager un dialogue afin de normaliser les relations entre les deux pays. Le chef de la politique extérieure de l’UE, Josep Borrell, a déclaré le 15 décembre 2022 : « Le dialogue est la seule voie vers le point de vue européen pour le Kosovo et la Serbie. »

Cette tension a suscité la panique chez les citoyens d’une guerre. Cependant, la probabilité d’une guerre dans la région est faible. Les pertes de population dans la région, le manque d’équipement pour résister aux conséquences de la guerre, les problèmes économiques et les conditions internationales ne réunissent pas un environnement propice à la guerre en Europe centrale.

En outre, la force internationale de maintien de la paix de l’OTAN, connue sous le nom de KFOR, est présente au Kosovo avec 3 775 soldats de 28 pays.

Evaluation

Malgré le rôle de la diplomatie internationale, les dirigeants locaux resteront les décideurs sur cette question. Cela signifie que le changement local peut affecter le changement régional, c’est-à-dire le statu quo peut effectivement être atténué.

Néanmoins, la question dans son ensemble, ainsi que la vie des Albanais et des Serbes du Kosovo, resteront les otages du discours nationaliste.

Le conflit gelé entre le Kosovo et la Serbie constitue une menace pour le continent européen.

Cette question devrait donc être traitée comme une question d’importance stratégique. Le rôle actuel de l’UE en tant que facilitateur neutre n’est pas suffisant pour relever un défi de cette ampleur. Au lieu de cela, une action stratégique claire sera nécessaire pour permettre une conclusion rapide et décisive du processus de dialogue.

L’UE et ses États membres devraient s’appuyer sur cette initiative et proposer un programme ambitieux pour l’avenir du processus de dialogue, qui devrait commencer par un accord final sur la normalisation des relations. Cet accord devrait couvrir toutes les questions en suspens entre la Serbie et le Kosovo.

Share This